Éditorial à plusieurs voix du mois de Décembre 2025 :
« Nous serons délibérément partiel et partial «
par Vincent TACONET, Vice-Président d’Espaces Marx Aquitaine, Professeur de Lettres et Arts, Le 9 décembre 2025.

Les dix-huitièmes Rencontres d’Espaces-Marx Aquitaine non seulement se sont tenues (rare est l’équivalent, avec des moyens si réduits et des perspectives si affirmées…) dans leur modestie ambitieuse, mais ont connu un réel succès.
Comme « la mer toujours recommencée », nous songeons déjà aux 19èmes.
Toutes celles et ceux qui ont répondu à l’appel de Dominique Belougne en proposant une intervention méritent nos chaleureux remerciements. Elles et ils ont été le ciment de nos journées et des échanges qui ont suivi ( malgré les frustrations des contraintes horaires). Pendant six jours, du matin à la fin de l’après midi, en visioconférence ou en présence en Salle des Actes à l’université Montesquieu, se sont succédés des universitaires, des militants syndicaux ou politiques, des tenants de la réflexion critique.
Les « Rencontres » d’Espaces-Marx sont délibérément éclectiques, mais ce n’est pas un éclectisme gazeux. D’une part nous avions défini un axe d’interventions. D’autre part, notre nom lui-même , ESPACES-MARX, nous « classe » comme une Association se référant à Marx, aux pensées critiques, et indique une volonté d’ouvertures aux Espaces et aux chantiers des réflexions et des expériences en cours, pourvu qu’ils aient vocation à contribuer « au bien de l’humanité ».
Nous avons retrouvé -grand plaisir- ceux qui reviennent régulièrement nous voir, avec un esprit critique maintenu et une volonté affichée de faire connaître leurs travaux. Et nous avons apprécié le riche apport des nouvelles et nouveaux venus.
De l’analyse renouvelée de la démocratie athénienne aux expériences du communisme municipal à Strasbourg, de l’examen ouvert de la culture à Bordeaux depuis un demi-siècle à la dénonciation d’un « racisme qui rend sourd », d’une réflexion élargie sur la laïcité à une approche offensive des questions d’éducation, les interventions n’ont cessé d’enrichir la réflexion des participants et des intervenants. Ajoutons que les énumérations qui précèdent rendent compte de façon totalement insuffisante du déroulement des journées et des approches très variées des problèmes contemporains, en économie comme en histoire, en philosophie comme en vie syndicale ou en sciences.
Vous pourrez, sans hésiter, le vérifier en accédant à l’enregistrement vidéo de toutes les contributions.
Nous aurions souhaité, comme tous les présents, que la participation de la jeunesse, des femmes, soit plus forte, que la fréquentation soit plus importante. C’était, ce sera un souci constant.
Mais la richesse du bilan immédiat nous semble indiscutable et permet d’avancer…
Comme l’écrit Marcela Delpastre :
« Déjà la tour s’épuise, qu’on croyait éternelle et qu’il faut étayer »
A très bientôt
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« Contribuer à l’élaboration d’une approche critique en vue de transformer le monde »
Par Fabien TARRIT, économiste, Maître de conférences, HDR, Université de Reims Champagne-Ardenne, Le 24 décembre 2025.

Ces journées ont pour vocation de faire vivre la pensée marxiste, la pensée radicale, participent à contribuer à l’élaboration d’une approche critique en vue de transformer le monde. Elles jouent ce rôle à la fois dans la chaîne qui va du producteur de richesses à l’activiste politique en passant par le producteur de savoir critique. Elles permettent de prendre le temps de la réflexion pour adopter un recul face aux incertitudes de l’actualité et du quotidien. Elles permettent d’enrichir nos propres réflexions à travers l’échange avec un public certes peu nombreux mais varié (intellectuels, acteurs politiques, acteurs culturels…).
Pour ma part il est valorisant de participer une fois par an, avec la certitude de rencontrer (au moins) les mêmes personnes en vue de construire une relation au long cours et de partager nos évolutions. L’association de la liberté de ton, de la liberté dans la discussion et de la rigueur dans l’organisation apportent un réel confort aux intervenants, et l’existence d’une structure (particulièrement active) consacrée à la diffusion de la pensée marxiste est un atout pour contribuer à la pensée critique et pour penser la transformation sociale, d’autant qu’il est rare, notamment dans sa régularité, ce qui en fait un rendez-vous important.
La contrainte des emplois du temps rend difficile une participation à l’ensemble des rencontres toutefois la programmation montre bien la diversité des intervenant.e.s et des interventions, qu’elles soient intellectuelles, culturelles ou militantes.
L’objectif est ainsi plus de concevoir ce moment comme une pause dans le flot du quotidien, de prendre le temps de se ressourcer pour réfléchir, échanger, que de valoriser sous forme de publication, que je conçois plus comme un effet secondaire, fort appréciable par ailleurs, de ces échanges.
Je remercie les organisateurs de maintenir cette rencontre avec conviction et énergie, portés par la conviction de la nécessité de poursuivre et maintenir la pensée critique et émancipatoire, y compris face à l’adversité et des vents contraires plus ou moins forts.
Ma participation est mentionnée au sein de mon équipe de recherche, comme une façon d’inciter des collègues à participer.
Ces rencontres jouent un rôle important dans la diffusion de la pensée critique, en particulier la pensée marxiste, leur poursuite est en ce sens une nécessité, je me tiens à disposition, sachant que je suis à distance, pour contribuer à leur persistance.
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» Je suis doublement allogène : ni bordelais, ni marxiste. »
Par Michel BARRILLON, économiste, Université d’Aix Marseille, Décembre 2025.

Comme dit Florent Viguié, toute vue dépend de la position de la « caméra »… ou d’où l’on parle. Je suis doublement allogène : ni bordelais, ni marxiste. C’est de cette extériorité que j’essaie de comprendre ce qu’entreprennent depuis près de vingt ans les marxistes bordelais. Mon regard est rétrospectif et s’appuie sur mes participations passées, neuf au total, réduites à jamais plus d’une journée et demi chaque fois. Peut-être autant de biais « cognitifs » qui peuvent altérer ma perception. Je te laisse le soin de juger par toi-même… mais sans douter de mes sentiments amicaux. Nonobstant, « Bon bout d’an » comme on dit chez « nous ». Michel (Ci-après à télécharger le texte complet de sa contribution).
A DOMINIQUE B. de M. B. DECEMBRE 2025
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Éditorial du mois de Novembre 2025 :
» Marwan Barghouti pour l’amour de l’humanité «
par Patrick LE HYARIC, journaliste et homme politique français. Membre du Parti communiste français, il a été président et directeur du groupe L’Humanité de 2000 à 2020. Il a siégé au Parlement européen de 2009 à 2019. Il est actuellement Directeur du magazine « La Terre – Le magazine du vivant »., Le 4 Novembre 2025.

Il est un député palestinien extrêmement populaire parmi ses concitoyens. Capturé, enlevé près de son domicile par l’armée d’occupation israélienne au mois d’avril 2002 et, depuis, emprisonnés dans d’effroyables conditions. Les grands défenseurs des droits humains qui saturent notre espace public ne trouvent rien à redire de ses exécrables et violentes conditions de détention, des privations de visites de son épouse Fadwa – avocate – et de ses enfants ainsi que de la Croix-Rouge Internationale.
Cet homme, cet intellectuel, ce député, ce dirigeant politique, s’appelle Marwan Barghouti. Proche de la France, il avait à l’université de Birzeit, en Cisjordanie occupée, consacré un mémoire de recherche à la politique du général de Gaulle au Moyen-Orient. Puis, comme député, il est membre du groupe d’amitié entre le Parlement français et le Conseil législatif Palestinien. Par un sordide renversement des charges de la preuve, les commanditaires de son embastillement, au terme d’un procès ne répondant à aucun des standards internationaux et au mépris du droit international (1), mènent une soutenue et violente campagne le dépeignant en « terroriste ». Un vocable utilisé aujourd’hui à tout-va pour justifier les pires reculs des libertés dans le monde et pour continuer à soumettre le peuple palestinien à un implacable joug colonial.
Mieux encore, comment pouvons-nous un seul instant, laisser croire que les militants de la liberté et de l’application du droit international seraient des « terroristes » quand les cours de justice réclament à l’occupant de rendre leurs terres aux Palestiniens et de cesser la colonisation-annexion ? Les mêmes cours qui poursuivent le Premier ministre de l’État occupant devant les tribunaux pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité ? Ceux qui traitaient hier Nelson Mandela de terroriste sont les mêmes qui l’encensent aujourd’hui ? Lorsqu’on leur rapporte leurs infectes paroles de l’époque à l’égard de Mandela, ils se dressent sur leurs ergots usés pour se renier et clamer que Mandela n’a jamais dirigé la branche militaire du Congrès national Africain (ANC). Or, le grand dirigeant sud-africain a fondé puis dirigé à partir du milieu de l’année 1961 l’organisation Umkhonto we Sizwe (fer de lance de la nation). Et la Résistance française disposait bien de sections armées pour combattre l’occupant. Les nazis et leurs supplétifs français n’hésitaient pas à traiter les communistes de « terroristes ».
Non seulement Barghouti a toujours nié avoir donné l’ordre des exécutions qui lui sont reprochées, mais dans un grand entretien au journal américain The Washington Post (2) avant son arrestation, il expliquait ainsi la stratégie qu’il défendait : « Moi-même et le mouvement Fatah auquel j’appartiens, nous opposons fermement aux attaques contre des civils en Israël, notre futur voisin », ajoutant ce complément fondamental : « Je ne cherche pas à détruire Israël, mais seulement à mettre fin à l’occupation de mon pays. »
Déjà dans les années 1980, Marwan Barghouti ne négligeait aucune possibilité de discussions avec des députés de la gauche israélienne. Où décèle-t-on ici la thèse « terroriste » ?
En revanche, comment qualifier l’armée d’occupation qui en août 2001 a fait projeter deux missiles antichars sur son véhicule, tuant son accompagnateur ? Les financeurs du Hamas se trouvent dans les palais officiels de Tel-Aviv alors que Barghouti défenseur du pluralisme politique dès le milieu des années 1990, a combattu le Hamas au nom de son refus strict de l’application de la loi islamique. Combattant acharné de la corruption, militant contre les inégalités femmes/hommes, il est un artisan de l’unité palestinienne. Unité entre les Palestiniens de « l’extérieur » et les Palestiniens vivant sous l’occupation. Unité entre les différentes sensibilités et factions palestiniennes, avec notamment l’élaboration en 2006 du « document des prisonniers » signé par les militants de toutes les factions. Dans ce texte, est réaffirmé le droit international avec la création d’un État palestinien « dans les frontières de juin 1967 ». Les signatures du Hamas et du Jihad islamique sont de fait une acceptation de l’existence de l’État d’Israël à l’extérieur de ces mêmes frontières.
Nous entrons dans un nouveau moment. La mobilisation populaire doit le rendre positif et constructif. Il est marqué d’une part par l’initiative conjointe de la France et de l’Arabie Saoudite pour faire reconnaître l’État de Palestine, et d’autre part par le plan Trump qui aboutit à la libération de tous les otages vivants détenus par le Hamas et à un – tout relatif – cessez-le-feu, alors que se révèlent de plus en plus aux consciences des peuples du monde, les atrocités du pouvoir israélien à Gaza et l’amplification de la colonisation-annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Le plan Trump restera une impasse tant qu’il n’intégrera pas les Palestiniens à un nouveau processus. Le pouvoir d’extrême droite israélien s’infiltre dans la brèche et en profite pour accélérer ses projets coloniaux. Cependant, des voix dans l’entourage de Trump et dans certaines capitales arabes alertent sur cette grosse entaille au point d’évoquer le nom de M. Barghouti comme possible acteur majeur de cette nouvelle période. En effet, on ne peut vouloir, comme Trump, dépolitiser la question palestinienne avec son fameux « comité de la paix » « apolitique et technocratique » alors même que l’enjeu de la construction d’un État palestinien viable et démocratique est politiquement central au Moyen-Orient. Dépolitiser revient à continuer de laisser le pouvoir israélien se servir du Hamas comme faire-valoir justifiant de part et d’autre, le refus de la solution à deux États.
Précisément, l’aura internationale de Marwan Barghouti, sa capacité à régénérer le Fatah et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), sa réflexion politique couchée noir sur blanc dans une lettre datant de l’année 2016 où il appelle à renouveler le contrat démocratique entre dirigeants et citoyens en font plus que jamais un interlocuteur solide et crédible.
Ce sont ces éléments qui conduisent de plus en plus de personnalités et d’organisations à réclamer sa libération. On trouve parmi ceux-ci Ami Ayalon, ancien chef du service de renseignement intérieur israélien (Shin Bet). Ronald Lauder, président du Congrès juif mondial. Il a demandé d’inclure Marwan Barghouti dans la liste des prisonniers libérables dans l’accord de cessez-le-feu négocié à Charm-El Cheik en Egypte. La commissaire européenne à l’aide humanitaire et à la gestion des crises, ancienne ministre des Affaires étrangères de Belgique, Hadja Lahbib. Elle a récemment déclaré voir en Marwan Barghouti, « le Nelson Mandela palestinien ». Même s’il ne faut nourrir aucune illusion sur les propos si versatiles et réversibles du président américain, le fait qu’il ait évoqué le nom de Barghouti dans un récent entretien au Time dit beaucoup du rapport de force qui se construit. Et, pour la première fois, le prestigieux groupe des sages « The Elders » rassemblant des prix Nobel de la paix et d’anciens chefs d’État, s’est adressé au président Trump pour « exiger la libération de Marwan Barghouti, en tirant parti de l’opportunité ouverte par l’accord fragile de cessez-le-feu à Gaza ».
Nous demandons au président de la République française et aux institutions européennes de s’associer à ce mouvement et de s’y engager sans attendre pour que Marwan Barghouti retrouve la liberté, condition du lancement de réelles négociations, sans lesquelles se poursuivra l’escalade à Gaza et en Cisjordanie. Sans attendre, l’Union européenne doit protester contre les conditions scandaleuses de détention de Marwan Barghouti et contre l’appel du fasciste ministre israélien de la Sécurité appelant à exécuter les prisonniers palestiniens. Il ne suffit pas, en Europe, de se gargariser des « valeurs » et « des droits humains ». Il faut agir. Agir, c’est mener la bataille contre ce fascisme banalisé, cesser d’être les supplétifs de l’imperium nord-américain et porter le combat pour la libération des prisonniers politiques palestiniens au premier rang desquels Marwan Barghouti comme opportunité nouvelle pour tenter de construire les conditions vraies des deux États.
Le combat pour la libération de Marwan Barghouti est le combat pour la libération de toute la Palestine. C’est le combat pour la démocratie, une vie nouvelle pour les Israéliens et les Palestiniens, vivant côte à côte. Marwan Barghouti, c’est le combat pour l’amour de l’humanité.
1) les Avocats de Marwan Barghouti, notamment Gisèle Halimi, Daniel Voguet, Jawad Boulus, Fadwa Barghouti…
2) « Tribune au Washington Post » 2002 « vous voulez la sécurité ? Mettez fin à l’occupation. »
A écouter et à lire, contributions de Patrick LE HYARIC :
– Patrick LE HYARIC, « Un monde à la renverse », Septembre 2025
Lien vidéo: https://youtu.be/RflL24FHFmw
– Patrick LEHYARIC, « Révolutionner les relations internationales ? Un enjeu de notre temps ! », Décembre 2024
Lien vidéo: https://youtu.be/eVph4jwipPM
– Patrick LE HYARIC, « Ukraine: chercher les chemins de la Paix », Mars 2023
Lien vidéo: https://youtu.be/rBYGLiOh0f8
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Éditorial du mois d’Octobre 2025 :
« Taxez, taxez, il en restera toujours quelque chose ! »
par Jean-Marie HARRIBEY, Professeur agrégé de sciences économiques et sociales, Ancien Maître de Conférences en sciences économiques à l’Université de Bordeaux, […], Membre du Conseil d’Orientation d’Espaces Marx Aquitaine, Le 2 Octobre 2025.

« Quand la bourgeoisie me félicite, je me demande quelle bêtise j’ai bien pu commettre » disait le socialiste révolutionnaire allemand August Bebel (1840-1913). En le paraphrasant, on pourrait dire aujourd’hui : « Quand la bourgeoisie hurle après moi, je me dis que j’ai touché un point sensible ». En effet, les vociférations de l’ultra milliardaire Bernard Arnault contre la taxe Zucman et, de plus, contre l’homme Zucman lui-même, apportent la preuve que taxer si peu que ce soit les riches, dans le cerveau reptilien de ces derniers, est de l’ordre de l’impossible, de l’indécent, du scandale absolu, bref de l’inhumain.
Prenons la mesure réelle de cette taxe, déjà adoptée par l’Assemblée nationale en 2025. Son principe est de taxer les patrimoines et les fortunes de plus de 100 millions d’euros, de telle sorte que leurs détenteurs paient au moins l’équivalent de 2 % de leur fortune en impôts. S’ils n’atteignent pas ce seuil, ils paieront le supplément jusqu’à atteindre ce taux ; donc seulement la différence serait captée par la taxe Zucman.
Imaginons pour simplifier le calcul que les riches ne paient déjà aucun impôt. Prenons un riche qui a une fortune de 101 millions d’euros. La taxe de 2 % serait donc de 2,020 millions d’euros. Il resterait à notre pauvre riche 98,980 millions (davantage s’il a déjà un peu payé des impôts sur le revenu).
Prenons un riche qui possède 1 milliard. La taxe serait de 20 millions. Il resterait à notre très pauvre riche 980 millions.
Enfin, Bernard Arnault a, paraît-il(1), une fortune de 116,7 milliards d’euros. La taxe serait de 2,334 milliards. Il resterait à ce quasi-miséreux 114,366 milliards.
Ce seraient des prélèvements qui ressembleraient à des gouttes d’eau dans l’abondant ruissellement des fortunes vers les plus fortunés. Il n’empêche, le battage médiatique conservateur et réactionnaire tambourine que cela mettrait à mal « l’outil de travail » dont la valeur serait incluse dans l’assiette de la taxe Zucman. Serait-ce la mise à mort de l’économie comme le hurle l’imprécateur en chef ? En réalité, l’inclusion des biens professionnels dans l’assiette des patrimoines (exclus depuis la loi du 29 décembre 1983) vise à s’attaquer à l’évasion de la plupart des profits du capital vers des holdings financiers. Lorsqu’un holding reçoit des dividendes de ses filiales, ceux-ci sont quasi exonérés d’impôt sur les sociétés. Comme le dit Gabriel Zucman, « Créer un impôt sur les milliardaires en exemptant la principale source de leur patrimoine n’a aucun sens »(2).
La principale critique qui pourrait être faite à la taxe Zucman est qu’elle oublie que les fortunes qu’elle vise, sont en réalité largement fictives puisqu’elles sont constituées d’actifs financiers dont la valeur n’est que celle attribuée par les Bourses en l’absence de leur liquidation. Mais pour énoncer cette critique, il faut disposer d’une théorie de la valeur(3). Ce qui n’est pas le cas des économistes dominants.
L’économiste Thomas Piketty soutient la taxe Zucman mais il pense qu’elle n’est cependant pas à la hauteur des enjeux de réduction des inégalités et il préfèrerait une taxation progressive avec des taux marginaux croissants. La réduction des inégalités est devenue un impératif, pourquoi pas dans une fourchette de 1 à 5. Aussi, afin de subvertir l’idéologie du caractère prétendument naturel des inégalités et ainsi l’imaginaire bourgeois intériorisé et enraciné culturellement dans les populations, examinons ce que permettrait la fixation démocratique d’un revenu maximum.
Partons du schéma simple donné par l’Insee chaque année sur la distribution des revenus disponibles par déciles de la population, allant des 10 % des ménages percevant les revenus les plus faibles aux 10 % percevant les revenus les plus élevés. En ne considérant que les revenus moyens (ce qui réduit beaucoup les écarts) par déciles, l’écart entre le premier et le dernier décile est de 1 à 13, ramené de 1 à 7,3 pour les niveaux de vie par unité de consommation(4).
Mais le plus remarquable dans la distribution des revenus est que, depuis des décennies que l’Insee la mesure, la progression des inégalités entre les revenus moyens par déciles est invariablement linéaire jusqu’au septième décile et explose ensuite, surtout dans le dernier.
J’ai proposé d’approximer ce que serait un revenu maximum en linéarisant la progression des inégalités d’un bout de la répartition à l’autre. Cela signifie que toutes les inégalités ne seraient pas supprimées d’un coup, mais qu’elles resteraient alignées sur une pente droite et non plus exponentielle dans les derniers déciles. L’écart de revenus moyens entre le premier et le dernier décile serait réduit de 1 à 5,4 et celui des niveaux de vie de 1 à 3. Pour fixer les idées, le Smic net mensuel étant de 1 400 euros, 5,4 fois serait 7 560 euros, et 3 fois serait 4 200 euros(5).
Dans l’idéal, deux canaux pourraient être explorés pour parvenir à une telle réduction des inégalités : d’abord celui de la répartition primaire dans les entreprises au sein desquelles la part du travail a diminué depuis 50 ans(6), ensuite celui de la redistribution par le biais de la fiscalité.
(1) Challenges, 2025, cité par Les Échos, 22 septembre 2025.
(2) Gabriel Zucman : « Débattons sérieusement de la taxation des milliardaires ! », Entretien avec Christian Chavagneux, Alternatives économiques, 12 avril 2025, https://urls.fr/xdXONB.
(3) Jean-Marie Harribey, En quête de valeur(s), Éd. du Croquant, 2024.
(4) Dans un ménage, le premier adulte compte pour une unité, le second et toute autre personne de plus de 14 ans pour 0,5 unité, et un enfant de moins de 14 ans pour 0,3 unité
(5) Pour le détail technique, voir Jean-Marie Harribey, « Comment pourrait-on fixer un revenu maximum acceptable ? », Bifurcations, n° 2, 2025, p. 133-146, https://urls.fr/JelaQ5.
(6) T. Dallery, J.-M. Harribey, E. Jeffers, D. Lang et S. Treillet, « La répartition de la valeur ajoutée », juin 2023, https://urls.fr/Wy0eEh.
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Éditorial du mois de Septembre 2025 :
« Enjeux de la critique du colonial, ici et maintenant »
par Alfredo Gomez-Muller (Université Populaire pour la Terre, Tours), Membre du Conseil d’Orientation d’Espaces Marx Aquitaine,

Le mot colonial paraît renvoyer d’emblée aux temps des colonies, de la colonisation, de l’expansionnisme européen. À un temps qui a débuté il y a cinq siècles, avec la première expansion du capitalisme et l’émergence de la période historique dite « moderne », et qui se serait achevé avec les processus de « décolonisation » aux dix-neuvième (dans les Amériques) et vingtième siècles (en Afrique, en Asie, en Océanie). Le temps d’un passé qui serait révolu et n’intéresserait que les historiens.
Pourtant, malgré les « indépendances » politiques des anciennes colonies, l’essentiel du fait colonial demeure jusqu’à nos jours, et s’impose comme une donnée centrale de notre présent. Le fait colonial produit et reproduit perpétuellement un modèle spécifique de différenciation entre les humains, dans lequel la différence s’exprime à travers une série de dichotomies : l’Européen et l’extra-européen, le colonisateur et le colonisé, le civilisé et le barbare (ou le sauvage), l’évolué et le primitif, le savant et l’ignorant, le développé et le sous-développé, le rationnel et l’irrationnel, voire l’humain et l’animal. Dans tous les cas, la différenciation s’accompagne d’une hiérarchisation « ontologique » qui assigne de la valeur ou de la non-valeur aux éléments de chaque dichotomie : le colonisateur est « supérieur » au colonisé, le civilisé au barbare, etc. Ce mode colonial de différenciation, qui produit un singulier « partage » du monde, n’est pas du tout révolu. Il fonctionne comme un aspect fondamental d’une idéologie qui reste aujourd’hui largement partagée, bien au-delà des nostalgiques des empires coloniaux et des tenants des idéologies expressément racistes qui accèdent de nos jours au pouvoir politique en Europe et ailleurs.
Dans son Discours sur le colonialisme (1950), Aimé Césaire montrait déjà que le partage colonial du monde sous-tend également un certain « humanisme » libéral, et qu’il n’est pas l’apanage du nazisme. En prolongeant sa perspective et en prenant un certain recul historique, nous pouvons aujourd’hui reconnaître que le partage colonial du monde a sous-tendu de même toute une partie des projets universalistes d’émancipation critiques du capitalisme, y compris de ceux qui se réclament du marxisme. Dans la réalité de l’histoire, la visée universaliste de ces projets d’émancipation s’est heurtée au fait de la différence culturelle, qui a pu susciter des attitudes d’incompréhension, d’indifférence, de condescendance, d’hostilité et de mépris à l’égard des cultures non européennes. À ce propos, le cas des Communards français déportés en Nouvelle Calédonie est aussi emblématique que tragique : installés au pays Kanak colonisé par la France, ces hommes et ces femmes qui avaient risqué leur vie à Paris pour construire un système plus juste, affichent à l’égard de la population kanak les mêmes préjugés que n’importe quel bourgeois européen, et vont même jusqu’à prêter main forte à l’administration française au moment de l’insurrection anticolonialiste de 1878, dirigée par le chef Ataï. À Louise Michel, la seule déportée qui s’ouvre à la culture kanak et condamne l’extrême violence avec laquelle les Français écrasent l’insurrection, ses compagnons de bagne lui reprochent de s’être « ensauvagé ». Pour eux, il semble exister une claire ligne de démarcation entre les « sauvages » et les « civilisés », et cette ligne de partage comporte un jugement de valeur. « S’ensauvager » équivaut à une perte : en devenant « sauvage », on perd son statut d’être « civilisé ». Et, d’après le cas vécu par Louise Michel, qui n’a jamais adopté le mode de vie ou les croyances des Kanak, il suffirait d’écouter l’autre et de tenter de le comprendre pour perdre sa qualité de « civilisé ». Communards et Versaillais, prolétaires et bourgeois s’accordent en général à croire qu’un « civilisé » ne doit pas écouter sérieusement les hommes et les femmes des cultures différentes.
En Amérique latine, on retrouve cette même attitude dans la pratique et les discours marxistes et anarchistes, notamment dans la première moitié du 20è siècle. Ainsi, lors de la Première conférence communiste latino-américaine (1929), on a pu soutenir que les « communautés agraires » des « Indiens » n’étaient pas une option envisageable car « le degré de développement économique atteint par l’Amérique latine n’autorise plus la régression vers le régime des communautés primitives » (Secrétariat sud-américain de l’Internationale communiste). Pour ce « marxisme » évolutionniste l’avènement d’une société communiste exige de faire « table rase » de tout passé et de toute forme culturelle qu’il juge dépassée. En Amérique latine cette « table rase » signifiait donc l’élimination des cultures dites « indiennes », sommées de devenir « modernes ». Majoritaire au sein de cette conférence, ce socialisme prétendument « scientifique » réussit à marginaliser les thèses du péruvien José Carlos Mariátegui (1894-1930) qui, face à l’européocentrisme sous-jacent dans le discours sur le « communisme primitif », proposait un programme de reconstruction socialiste du Pérou basé sur la notion de « communisme inca ».
Utilisée par Mariátegui pour désigner à la fois un mode de justice redistributive des anciens Incas et un ensemble de pratiques d’entraide des communautés andines du présent, cette notion lui permet d’intégrer la différence culturelle et politique au sein de sa praxis. Ainsi, un demi-siècle avant l’apparition des études postcoloniales et décoloniales, Mariátegui pratique déjà une forme de décolonisation du marxisme. De nos jours, la portée de ce geste de décolonisation, tout à la fois « théorique » et « pratique », commence à être comprise par des marxistes et des non marxistes, en Amérique latine et ailleurs. Un geste qui dit que sans la critique du colonial, un monde meilleur n’est pas possible ; qui enracine la pensée dans le concret de l’expérience et l’ouvre à des savoirs autres, par-delà les dichotomies établies entre le sujet et l’objet, la culture et la nature, la matière et l’esprit, la raison et l’imagination ; qui conçoit le passé comme une mémoire sociale et culturelle intervenant dans la construction de l’à-venir. Bref, un geste de pensée authentique, au sens où il pense la réalité dans ce qu’elle a d’inédit, au lieu de la faire entrer dans des cadres préétablis et inamovibles, à la manière de ce que le camarade Kant appelait la métaphysique dogmatique.
Alfredo Gomez-Muller (Université Populaire pour la Terre, Tours)
Pour aller plus loin : Matthieu de Nanteuil et Anders Fjeld (eds.), Marx et l’Europe. Au-delà des stéréotypes, en-deçà des utopies. Louvain, Presses Universitaires de Louvain, 2024.
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Éditorial du mois de Juin 2025 :
« Israël en guerre tous azimuts « , et « Le monde bouge pour Gaza » par Patrick LE HYARIC, Journaliste et ancien député du Parlement Européen, Le 11 juin 2025, La lettre de Patrick Le Hyaric.

Et « Bombardements d’Israël sur l’Iran : la « guerre préventive » validée par les puissances du G7 menace le monde » Par Stéphane Sahuc, L’Humanité du 17 Juin

Israël en guerre tous azimuts
Il convient de garder à l’esprit la conjonction d’événements politiques, sociaux et diplomatiques qui conduisent le pouvoir israélien à attaquer l’Iran au risque d’embrasser tout le Proche et Moyen-Orient.
L’Iran ne menaçait en rien Israël. Dire ceci ne vaut en rien approbation du système anti-démocratique Iranien, et ne conduit à faiblir le combat pour les femmes iraniennes et la libération de toute la société et celle des otages français que détient le régime des mollahs.
La fabrication de l’arme nucléaire est l’objet de discussions internationales, dont une rencontre américano-Iranienne qui devait se tenir ce dimanche. Celle-ci n’aura pas lieu. Et pour cause. L’Iran ne doit pas disposer de l’arme nucléaire. Mais c’est toute la région qui doit être dénucléarisée. Pourquoi ce débat est-il interdit ?
Deux autres éléments ont précipité la décision du gouvernement israélien, dont il faut rappeler qu’il frappe tout azimut : Liban ; Syrie, Yémen, Gaza.
Le premier d’entre eux est lié à l’amplification des protestations mondiales contre la destruction de Gaza et le projet d’étouffement général des enfants, des femmes, des hommes dans cette enclave. Cette donnée est importante. La guerre que déclenche le pouvoir de Tel-Aviv fera sans doute annuler la conférence de New-York sur l’État Palestinien.
Le second paramètre concerne le début de crise interne que connaissait la coalition gouvernementale depuis plusieurs jours. Elle se trouve raffermie et le pouvoir construit autour de lui une unité nationale contre l’Iran.
Les yeux se détourne donc de Gaza saignante des massacres, affamée, à terre, et de la Cisjordanie occupée, annexée en violation des règles du droit international, et se tourne vers les flammes qui assombrissent le ciel moyen-oriental et portent en leur sein le risque d’une conflagration régionale.
Netanyahou cherche à rallier le monde à sa cause et est le fidèle sous-traitant des États-Unis. Comme des caniches, les autorités françaises suivent comme elles le font depuis des années, sans considération là non plus des otages Français détenus dans les geôles iraniennes.
En créant l’unité nationale, le gouvernement israélien obtient une carte blanche cachée, sans considération pour les otages israéliens détenus par le Hamas, afin d’accélérer la colonisation de la Cisjordanie et le nettoyage ethnique de la Palestine. La crise internationale qu’il peut provoquer vise à renforcer le pouvoir et à atteindre les objectifs messianiques que Netanyahou a énoncés dans son discours justifiant cette nouvelle guerre.
Les mobilisations engagées pour la justice et la paix ne doivent pas perdre en vigueur et en ampleur. Ne sous-estimons pas les tremblements qui parcourent le monde avec leurs immenses dangers mais aussi leurs promesses.
Le monde bouge pour Gaza
Un mouvement mondial pour libérer Gaza et la Palestine est en marche. Il prend différentes formes. Sa pluralité lui donne une force considérable.
Le voilier Madleen avec Rima Hassan et Greta Thunberg aura réussi à montrer l’inacceptable, à déchirer le silence. Les actions des Dockers CGT de Fos suivie de celles des ports de Gênes puis d’Anvers et d’autres, ont révélé à des millions d’Européens que nos pays livrent bien des armes au gouvernement d’extrême droite israélien. Du même mouvement, elles auront montré en actes la voie vers la suspension des traités de libre-échange et de coopération. Les vétérans pour la paix (Vétérans for Peace) et une coalition de 45 organisations, religieuses et humanitaires se relaient devant la mission des États-Unis auprès de l’ONU en se nourrissant avec moins de 205 calories par jour, comme les habitants de Gaza. Autant d’actes, autant de manifestations, autant d’adresses de résistance. Autant de rappels au droit international. Autant de cailloux lancés dans la machinerie de l’anéantissement organisé.
Le mouvement de solidarité contre l’acte de piraterie envers le Madleen constitue une relance d’un mouvement où les jeunes sont majoritaires. Dans toutes les villes européennes, le mouvement populaire se conjugue avec Gaza. Les organisations syndicales françaises prennent désormais leur part avec un appel commun de solidarité. Et la journée de mobilisation du 21 juin devant le salon de l’aéronautique du Bourget se transforme en journée anti-guerre et contre l’exposition des armements israéliens, ceux-là mêmes qui tuent les enfants de Gaza et détruisent maisons et fermes en Cisjordanie.
Voici que s’élance une marche mondiale pour lever le blocus. De villes européennes, d’Alger, de Tunis, de Rabat, du Caire et de bien d’autres endroits, se forment des cortèges en direction de Gaza.
Comme au moment des combats contre l’apartheid en Afrique du Sud ou ceux pour la libération du Vietnam, le mouvement mondial pour faire cesser le génocide des Gazaouis et l’effacement du peuple palestinien est en marche. Les institutions européennes, le pouvoir macroniste, la conférence internationale de l’ONU qui s’ouvre dans quelques heures ne pourront pas l’ignorer.
Le silence se brise. L’inacceptable s’expose au grand jour. Le récit des dominants s’écroule sous le poids de l’indicible, des morts, des destructions, des volontés d’anéantir tout un peuple. Quand une armée déploie cinq navires pour arraisonner un frêle voilier désarmé avec douze militants de la paix à bord, il est difficile de conclure à un signe de force. En agissant comme un État terroriste dans les eaux internationales, le pouvoir israélien bafoue le droit international tout en revendiquant le viol de celui-ci en maintenant le blocus de Gaza. Rappelons que le blocus ne date pas du 7 octobre 2023, mais du mois… de juin 2007.
Comme tous les bateaux lancés dans le cadre de « la flottille de la liberté », s’il n’a pas atteint Gaza, le Madleen a fait plus. Il a alerté sur la tentative d’effacement de l’enclave palestinienne des cartes du monde. Il n’a pas pu distribuer les vivres qu’y avaient entassés les habitants de Catane. Il a fait plus. Il a déployé une sonore interpellation modifiant les emplois du temps dans les chancelleries tout en jetant de nouveaux ponts solidaires avec le peuple palestinien qui y trouve force et réconfort.
Un voilier, des dockers européens, des manifestations larges et jeunes, des appels syndicaux, des actions pour la justice et la Paix à Tel-Aviv comme à New-York, trois journées contre la présence des engins de mort israéliens et d’autres au salon du Bourget, des rondes et des marches sur Gaza, c’est une autre vision du monde qui se dessine, un monde à construire ensemble, un monde commun.
Gaza est devenue un nom propre qui circule de lèvres en lèvres, de pancartes en banderoles, de conférences en rassemblements et en marches. Gaza devient bien plus qu’un territoire assiégé. Elle devient le symbole de la construction méthodique des dominants occidentaux assoiffés de positions géostratégiques, de ressources, de territoires quand les peuples du Sud global refusent obstinément d’être humiliés, dépossédés, piétinés, interdits d’avenir. Avec elles et eux faisons la jonction pour une humaine mondialité.
De partout, les peuples, les mondes du travail et de la création, les jeunes hurlent contre les prédateurs qui préemptent ressources, territoires et forces de travail des enfants, des femmes, des hommes pour faire enfler leurs dividendes et alimenter les paradis fiscaux.
Gaza est l’un des laboratoires, point de basculement dans l’inhumain, intégré à la stratégie de l’Occident colonialiste et capitaliste avec ses appareils diplomatiques, médiatiques, militaires au service de l’économie de la violence.
Gaza porte la révélation des manœuvres des pouvoirs occidentaux qui ont détruit dans le monde arabe les forces syndicales et progressistes au profit d’un intégrisme islamiste. Ils ont fait de même en Palestine : construits et financé le Hamas pour affaiblir et empêcher Yasser Arafat. L’inhumanité des dirigeants israéliens envers les otages de leur pays, les laisse de marbre. Ils entretiennent ce prétexte pour bombarder toujours sans faire effort pour les libérer vivant. C’est le peuple Israélien qu’ils malmènent et trompent. Mieux encore. Pour combattre l’islamisme militaire du Hamas, ils créent de toute pièce et financent de nouvelles milices islamistes proches de Daech. Le cynisme criminel pour maintenir l’ordre existant est leur marque de fabrique.
Le mouvement de solidarité internationale en cours vient déchirer le voile de cette continuité politique, de cet ordre politique qu’appellent de leurs vœux les nationalistes et les extrêmes droites.
Le mouvement mondial en marche pour la justice et le droit est une très bonne nouvelle. Il est gros du monde commun qui se cherche . Nous en sommes.
« Bombardements d’Israël sur l’Iran : la « guerre préventive » validée par les puissances du G7 menace le monde » Par Stéphane Sahuc, L’Humanité du 17 Juin
Le G7 va-t-il suivre la ligne de plusieurs de ses membres : entériner et justifier les bombardements israéliens sur l’Iran ? S’il le fait, le concept de guerre préventive, utilisé par Tel-Aviv pour légitimer ses opérations militaires, sera validé. Ainsi que toutes les conséquences qui vont avec. Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, le monde ne sera pas plus sûr après ça.
En s’affranchissant du droit international avec la bénédiction des principales puissances, Israël donne un exemple dangereux. Et des pays occidentaux font la démonstration que le fonctionnement du monde est désormais ouvertement régi par « le deux poids deux mesures ».
Comment justifier la condamnation sans concession de la Russie après son attaque de l’Ukraine, les sanctions qui la frappent, la solidarité militaire avec l’Ukraine et, dans le même temps, la mansuétude vis-à-vis d’Israël, dont le premier dirigeant est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ? Si on fait le compte, Israël est sur le point d’éradiquer Gaza, de chasser les Palestiniens de Cisjordanie. Le même État a bombardé la Syrie, le Liban et le Yémen au prétexte de détruire des milices pro-iraniennes, en dehors de toute légalité internationale.
Israël s’affranchit sans complexe de tout cadre légal.
Enfin, Netanyahou a lui-même reconnu qu’il a ordonné à l’armée israélienne et au Mossad, en novembre 2024, de se préparer à attaquer les installations nucléaires iraniennes. Bien avant l’alerte donnée par l’AIEA sur les seuils d’enrichissement de l’uranium. En réalité, Israël avait largement le temps de passer par les voies du droit international pour désamorcer une éventuelle menace iranienne. Israël s’affranchit sans complexe de tout cadre légal.
Si les principales puissances occidentales persévèrent à lui donner un blanc-seing, elles s’aliènent le droit et la légitimité de condamner toute future guerre déclenchée au nom « d’une menace » jugée « existentielle » par le pays agresseur. Ce serait accepter le retour de la primauté de la force comme mode de résolution des conflits. La France, historiquement du côté du multilatéralisme et du droit international, ne peut valider cette logique.
La lettre de Patrick Le Hyaric
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Éditorial du mois de Mai 2025 :
« Reconnaissance de l’Etat de Palestine : les enjeux »,
par Francis WURTZ, Député honoraire du Parlement Européen, Le 17 Avril 2025, Chronique de l’Humanité Magazine.

Ainsi donc la France s’apprête-t-elle à reconnaître l’État de Palestine. La « patrie des droits de l’homme » sera le 149e État du monde (sur 193) à prendre cette décision, trente sept ans après la proclamation de la « déclaration d’indépendance de l’État de Palestine » par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), alors présidée par Yasser Arafat, à Alger (15 novembre 1988). On ne peut que regretter l’attentisme et le perpétuel renvoi à un hypothétique « bon moment » manifestés à cet égard par nos dirigeants successifs.
Pour autant, plutôt que de s’appesantir sur les regrets, il est plus productif d’examiner les dynamiques positives pouvant découler de cette initiative diplomatique, a priori bienvenue.
Le premier enjeu à prendre en considération me semble être l’appropriation de la signification politique de cet acte solennel par les citoyennes et les citoyens français comme par l’opinion publique internationale. En faisant ce choix, la France réaffirme officiellement qu’il existe, en droit international, une autorité politique palestinienne – « l’Autorité palestinienne » –, un territoire palestinien – la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza – et, enfin, une population sur ce territoire – le peuple palestinien. Cela paraît banal, sauf qu’il s’agit précisément de réalités essentielles battues en brèche par l’occupant israélien, qui prétend depuis des lustres qu’il « n’a pas d’interlocuteur avec qui négocier », qui a annexé Jérusalem, colonise la Cisjordanie et prétend expulser les Gazaouis de leur territoire anéanti et les déporter hors de Palestine. Décider, pour la France, d’entrer officiellement en relation avec l’État de Palestine doit donc comporter l’engagement d’expliciter en toute clarté, nationalement et internationalement, la portée politique de sa prise de position. Et, à plus forte raison, faut-il cesser de traiter en quasi-délinquants celles et ceux qui se mobilisent pacifiquement pour le respect des droits fondamentaux des Palestiniens.
Un autre enjeu, qui découle de ce qui précède, est l’action que va entreprendre la France pour contribuer à passer du slogan de « la solution à deux États » à sa concrétisation. Cela passe par le refus de l’insoutenable impunité dont bénéficie sans discontinuité le pouvoir israélien, aujourd’hui dirigé par un criminel de guerre frappé d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. À cet égard, on est en droit d’attendre de Paris, dans ce nouveau contexte, qu’il use de son influence au sein de l’Union européenne pour que celle-ci opère un véritable tournant dans ses relations avec Tel-Aviv, en suspendant jusqu’à nouvel ordre l’accord d’association ultra-privilégié dont Israël est le seul pays au monde à bénéficier.
Enfin, si le but à atteindre est bien d’arriver à une situation où les deux États, souverains, vivant côte à côte et en sécurité, soient mutuellement reconnus par tous les États de la région, la condition de cette normalisation diplomatique est la conclusion d’un accord de paix entre Israël et l’État palestinien.
Nous en sommes loin ! Que signifient, dès lors, ces propos sibyllins d’Emmanuel Macron, accolant à son initiative de juin avec l’Arabie saoudite le projet de « finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs pays » ? Cela ressemble furieusement aux « accords d’Abraham » lancés par Donald Trump 1… pour priver les Palestiniens de leur dernier atout : sans État palestinien, pas de porte ouverte pour Israël sur toute la région ! Troquer la reconnaissance de l’État de Palestine contre la relance du plan Trump auprès des dirigeants arabes constituerait un sommet d’hypocrisie. Espérons qu’il n’en sera rien.
En faisant ce choix, la France réaffirme officiellement qu’il existe une population sur ce territoire, le peuple palestinien.
« Gaza ! »,
par Jean DARTIGUES, Syndicaliste, Poète…

Sabra et Chatila, Que faire, alors que meurent
déjà, c’était odieux ! nos semblables, à chaque heure ?
est-il encore un dieu Orphelins qui les pleurent,
pour aimer, après ça ? et la haine pour demeure ?
Puis, fit du 7 octobre « Pleurer, prier, gémir
au crime aussi terrible est également lâche ».
femmes, enfants, pris pour cibles, Je crie, j’écris, je crache
d’une cause, un opprobre. et geins, à en vomir,
Y-aurait-il dans l’horreur mais que faire sans vous ?
forme de gradation ? Pourquoi tout ce silence ?
échelle d’érection Et tant d’indifférence
d’infamantes douleurs ? ici, ailleurs, partout ?
L’Humain est-il le même L’humain serait-il mort,
A l’aube de lui-même à force de subir ?
et de sa vie, son terme, N’a-t-il le souvenir
en tuant plus qu’il n’aime ? des révoltes d’alors ?
Je n’aurais jamais cru Je ne peux, je ne crois
connaître encor le pire l’ineffable abandon
et pourtant, je l’ai vu, de nos Révolutions,
à Gaza, qui expire ; qui fondèrent nos droits.
de jour en jours, à petits feux, Que le monde ne soit
par la soif, par la faim, pas clair, finalement,
bombes soir et matin, pour faire humainement
des serviteurs de Dieu. admettre, à tous, ce choix,
Impossible d’aimer mais que diable, il ne peut
quand on n’a plus d’espoir, que les peuples avertis,
juste haïr et vouloir les consciences investies
la mort, pour s’abîmer. ne se révoltent, un peu !
Je me sens inutile Peuples du monde entier, bougez !
à écrire et en vain, Levons-nous et marchons, ensemble !
à pleurer dans mon coin, Il se pourrait qu’unis, ils tremblent
comme un pauvre imbécile. et se souviennent, des insurgés !
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Éditorial du mois d’Avril 2025 :
« Anthropocène, Capitalocène, capitalobscène »
par Vincent TACONET, Professeur de Lettres et Arts,Vice-Président d’Espaces Marx Aquitaine,

Nous assistons depuis quelques mois à une discussion d’école, absolument nécessaire bien sûr, et à prolonger, pour qualifier la nouvelle ère dans laquelle nous sommes : Anthropocène ou Capitalocène ?
Il faudra bien trancher, même si, à l’échelle du monde et de notre histoire «Cou coupé court toujours» (pour emprunter au titre du roman de Béatrice Beck). L’homme, ce concept abstrait (On et Homme ont la même étymologie) est-il responsable sans distinction de l’état désastreux dans lequel se trouve la planète ? Ou bien la domination sans partage depuis trois siècles du capitalisme et de l’impérialisme ont-ils eu raison du monde dont ils se sont emparés ? La réponse à ces deux questions nous paraît évidente mais mérite incontestablement un grand débat soulignant l’importance des analyses… et du choix des mots. D’autant plus que le choix du mot, anthropocène ou capitalocène, devrait s’inscrire dans la durée… de cette nouvelle ère qui est la nôtre et celle de nos successeurs.
Mais nous sommes, tout autant que dans l’histoire, dans l’actualité; et celle-ci peut être aussi éphémère que l’amorce d’un nouveau tournant, de nouveaux bouleversements. Ces mutations ne nous attendent pas. Il semble bien qu’elles aient lieu sous nos yeux et nourrissent abondamment, non pas « le bons sens (1)», mais la sidération «la mieux partagée».
Bornons-nous à quelques constats d’ordre général, partageables donc pour une part par l’observation et la réflexion, qui doivent nécessairement succéder à, sinon précéder la sidération. Depuis des dizaines d’années, voire davantage, comme Karl Marx l’avait analysé, la mondialisation capitaliste a fini par trouver ses limites géographiques. La planète, si elle n’est pas plate (comme une pensée régressive et complotiste le diffuse) est limitée… et donc constitue finalement un obstacle au développement d’impérialismes (dont l’impérialisme dominant des USA) tous azimuts.
A notre petite échelle, le déni reste encore possible et les illusions persistantes nourrissent le rêve de l’exploitation des terres rares, de l’expansion de l’humanité vers d’autres planètes, de la maximisation des profits par la surexploitation des humains, notamment par le nouveau lièvre et levier de l’intelligence artificielle. Tout n’est pas encore perdu pour la soif de profits. Mais les multi-milliardaires ont déjà tiré les conséquences politiques de L’État du monde.
D’une part la course au profit a donc trouvé ses limites géographiques. Mais aussi, pendant des siècles, la démocratie bourgeoise, s’est montrée la meilleure (malgré quelques tentatives terrifiantes et tolérées… comme le nazisme) et la plus efficace pour développer puis maintenir au pouvoir économique le capitalisme. Ce n’était bien sûr que la forme apparente et dominante. Elle ne se maintenait qu’en soutenant, protégeant et équipant dans bien des parties du monde des dictatures. Il suffit de penser à l’Afrique du Sud, tolérée,voire soutenue et encouragée dans l’exercice de l’apartheid par tous les régimes démocratiques de « l’Occident ». ..
D’autre part la démocratie sous toutes ses formes, qui constituait donc le meilleur moyen pour le capitalisme de se maintenir et de se développer, trouve maintenant -aussi- comme l’espace géographique, ses limites. Les peuples s’expriment et luttent, même opprimés, et sont obstacle au taux de profit, dont la baisse tendancielle se confirme. Il faut donc freiner les « pulsions » démocratiques ; les multimilliardaires en ont conscience et l’expriment crûment, jusqu’au salut nazi d’Elon Musk, haut responsable politique récent…, antisémite, suprémaciste blanc originaire d’Afrique du sud … et plus grande fortune mondiale (263,8 milliards de dollars fin 2024).
Voici qui peut expliquer que dans la nouvelle ère que nous qualifierons donc de capitalocène nous empruntions, bien malgré nous « l’erre du capitalobscène » dont les principales caractéristiques surgissent avec l’exercice du deuxième mandat de Donald Trump.
Si l’ « obscène » est étymologiquement ce qui est « de mauvais augure » et convient bien pour qualifier cette oligarchie, on peut aussi s’en tenir au sens courant de ce qui est « affreux, sale méchant, à éviter », bref obscène. Voici qui convient tout à fait pour caractériser Trump et son équipe. Mais il faut y ajouter la « proximité » entre scène et obscène. L’usage intensif des médias, leur instrumentalisation sont les moyens réactivés de ce néo-fascisme à vocation planétaire. Comme l’a déclaré Trump lui-même après son entretien ob-scénisé avec Zelensky : « Ça, c’est de la bonne télévision ». On voit bien là que « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » , la démocratie, sont obstacle, et donc à abattre, pour pérenniser le système.
On en conclura que les combats pour la démocratie, pour la défense de TOUS les droits(2), des exploités, de l’enfant, des femmes, des minorités, des humains, de la nature, des peuples à disposer d’eux-mêmes, doivent être menés en recherchant l’unité, en créolisant l’universel.
Vincent Taconet, le 3 mars 2025
(1)« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Descartes : DISCOURS DE LA MÉTHODE
(2)À front « National » renversé, en témoignent les graffitis sur les murs du lycée Merleau-Ponty à Rochefort (fin février 2025) :antisémites, anti-LGBT, anti-communistes.
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Éditorial du mois de Mars 2025 :
« DEBOUT pour la Culture, certes … «
Par Michel ALLEMANDOU, Metteur en scène, Comédien, Vice-Président de la Ligue de l’Enseignement Gironde,

Comment les politiques culturelles auraient-elles pu échapper au néo-libéralisme ambiant ?
En ce début d’années, coupes budgétaires et aventures sinistres du pass Culture ont illustré une évolution que la volonté gouvernementale renforce. Certes des ripostes s’organisent, mais suffiront-elles à enrayer les bouleversements qui affectent notre modèle culturel historique ?
Des politiques culturelles attaquées
Les politiques culturelles se retrouvent victimes de l’austérité budgétaire actuelle. La sanctuarisation des budgets culturels relève décidemment d’une autre époque et les errements ministériels sur le gel de la part collective du pass Culture en témoignent.
Si le budget du Ministère de la Culture a été présenté comme stabilisé à son plus haut niveau historique, par un effet « domino » des réductions des dotations de l’État, certaines collectivités, de droite mais aussi de gauche, ont décidé de couper dans les budgets qu’elles allouaient à la culture et à la création. Une démarche accompagnée parfois de quelques larmes de crocodile ! D’autres baisses sont aussi à prévoir avec la remise en cause par exemple des politiques de la ville. Or les collectivités territoriales financent à ce jour les deux tiers du service public du spectacle vivant et de la culture non-marchande.
On sait quele pass Culture a été conçu pour faciliter l’accès des jeunes à la culture ; il est accordé sous forme soit individuelle avec versement directe au jeune d’une somme permettant d’acheter un bien culturel, soit collective (il est alors est attribué aux établissements scolaires afin d’abonder un budget pour organiser des sorties ou des interventions d’artistes en classe). C’est un outil privilégié pour conduire une politique d’Éducation Artistique et Culturelle (ÉAC) mais aussi indirectement pour la promotion du spectacle vivant. Le 30 janvier 2025, établissements scolaires et structures culturelles apprennent par des voies détournées et non par une communication officielle que le ministère gèle les crédits affectés au pass Culture, les dernières réservations devant se faire pour le lendemain 31 ! Salut bien involontaire à Beaumarchais : c’est une Folle journée : l’annonce se propage dans la plus grande confusion entraînant une ruée sur la plateforme de saisie Adage qui se révèle vite saturée et boquée.
Les dégâts de la suspension sont inestimables : budgets compromis, avenir mis en difficulté par l’annulation d’interventions promises, sentiment de faire les frais de l’austérité et de voir son travail méprisé, spectacles se retrouvant sans public… Les grandes structures ne sont pas épargnées car la suppression génère pour elles un manque de recettes en contrepartie de leurs actions « jeunes publics ».
Le 4 février, le ministère de l’Éducation tente de calmer les esprits par un communiqué de presse : il réaffirme son ambition en faveur de l’ÉAC. Sans parvenir à convaincre véritablement : les modalités sont confuses et le mal a été fait.
Une incontestable réactivité des acteurs
En ce qui concerne le gel de la part collective du pass Culture, certains ont seulement voulu voir un problème de méthode dans une administration centrale bouleversée par des remaniements successifs : vantant la souplesse du dispositif, les utilisateurs auraient su s’adapter à une enveloppe plus réduite si elle leur avait été signifiée dans des délais raisonnables. C’est en tous les cas, la dénonciation d’une incapacité du ministère à poser de façon correcte certains enjeux.
Néanmoins de façon unanime, les organisations syndicales mesuraient la portée des décisions prises : dans le contexte des coupes budgétaires, la suspension du pass Culture apparaissait comme une goutte d’eau qui faisait déborder le vase des restrictions.
Par un courrier adressé le 4 février à la Ministre d’État de l’Éducation Nationale, elles dénonçaient la décision du gouvernement et déploraient que « les crédits pour l’année 2025 (72 millions d’euros) soient inférieurs aux crédits mobilisés en 2024 (97 millions d’euros) considérant que le gouvernement faisait donc le choix de ne pas financer à la même hauteur que l’an passé le dispositif pour des raisons d’économies budgétaire ; … une décision de renoncement aux conséquences désastreuses pour les élèves ».
Pour tous ceux qui ont toujours considéré les politiques culturelles comme un puissant outil d’émancipation permettant à chacun d’œuvrer à la construction d’une société plus juste et plus solidaire, au travers de l’atteinte à l’ÉAC, c’est le service public de la culture et de l’éducation qui est en jeu.
C’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre le lancement par un ensemble de 40 000 professionnels de la Culture issus de toutes les disciplines, d’une pétition « Debout pour la Culture ! Debout pour le Service Public ! » à l’appel du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC). Depuis plusieurs semaines désormais, dans toutes les salles de spectacles de France en fin de représentation, les artistes appellent le public à se « mettre debout pour la Culture » afin de protester contre les coupes budgétaires drastiques des financements publics de l’État et des collectivités.
La pétition que rejoignent chaque jour des citoyennes et citoyens de tous horizons professionnels et associatifs précise que le contexte d’austérité budgétaire ne peut occulter les menaces qui planent sur la démocratie et que sacrifier les services publics, dont celui de l’art et de la culture, est un calcul dangereux au regard des grands bénéfices sociétaux qui en découlent.
La remise en cause de notre modèle culturel historique.
Mais il ne s’agit pas seulement pour les pouvoirs publics d’appliquer aux budgets culturels les contraintes générales qui pèseraient sur nos finances ; c’est peut-être pour eux l’occasion de remettre en cause le modèle même de nos politiques culturelles : abandonner définitivement les publics populaires et se reposer sur l’initiative privée.
Au début de la Vème république, l’État portait pour première ambition de diffuser la culture en direction des classes populaires. C’est le sens bien connu de l’action d’André Malraux et de l’état providence culturel marqué par un idéal d’éducation populaire : promouvoir par une politique d’accessibilité l’égalité réelle et formelle de tous vis-à-vis de la culture. Cette volonté de démocratisation de la culture relayée par certains syndicats et partis a certes élargi l’accès des classes moyennes à la Culture mais pas toujours aux classes les plus démunies
Depuis le début des années quatre-vingt, les observateurs des politiques culturelles ont fait état d’un passage à un « état providence de deuxième génération » marqué par l’alliance de l’activité artistique, de l’esprit d’entreprise et de la production ; politique d’autant mieux acceptée qu’elle était portée par des personnalités de gauche et que par ailleurs simultanément le budget de la culture était doublé. Favorisant la création en multipliant achats et commandes, on passait d’une politique du public à une politique des artistes.
Dans le domaine du théâtre public, la socio- historienne Marjorie Glass (1) constate que « le théâtre a oublié les travailleurs issus des classes populaires ». Augmentant en nombre le public s’homogénéise socialement et en vient à constituer une forme d’entre soi social dont des mouvements du type « Debout pour la culture » peuvent être l’illustration (risquant au demeurant de rendre ceux-ci relativement inopérants). L’absence des publics populaires pourra surtout être utilisée pour légitimer le retrait des interventions publiques.
Le risque est d’autant plus fort qu’au cœur d’une offre culturelle foisonnante l’initiative privée tend à prendre le relais du service public.
Dans un article «L’État-providence culturel français mis à mort» publié le 16 février 2025 dans Le Figaro (une fois n’est pas coutume, on en recommandera la lecture !), Jean-Pierre Robin démontrait que la marchandisation de l’art et la pop culture dans laquelle les publics qu’elle mobilise se comptent en milliards de personnes était devenue ultra-dominante
Lors d’un récent séminaire national, la Coordination des Fédérations et Associations de Culture et de Communication (COFAC) observait que les politiques publiques nationales ne sont plus à l’écoute des mouvements associatifs d’éducation populaire, tandis que de grandes enseignes commerciales soutenues par différents abattements fiscaux proposaient des activités artistiques et culturelles.
Tout ceci est conforté par un changement de cap au niveau budgétaire : les différents postes du budget du ministère de la Culture ne sont pas mis à contribution de la même façon. Ainsi dans une période de rigueur, on envisage la création d’une holding destinée à créer un « service public de la communication » qui représenterait 2 milliards de plus que ce que coûte aujourd’hui l’audiovisuel public. On note aussi que ce sont les politiques culturelles qui génèrent les pratiques collectives qui sont prioritairement mises en cause. Pour en revenir au pass Culture, c’est bien le volet collectif qui soutient les projets éducatifs de groupe qui est contingenté tandis que le volet individuel qui encourage le consumérisme en particulier auprès de gros éditeurs de mangas, jeux vidéos… ne l’est pas. Cette analyse est confortée par un rapport de la cour des comptes de décembre 2024 qui épingle la part individuelle du pass Culture sur la moindre participation des jeunes les plus éloignés de la culture.
Nos politiques culturelles tendraient donc à exclure les questions sociales de leur domaine d’action, au risque sans doute de se vider de sens.
Au-delà d’une approche conjoncturelle des derniers événements, on observe que la collectivité publique semble abandonner l’approche d’une culture qui puisse nourrir notre idéal démocratique ; ce n’est pas le moindre paradoxe dans un temps où la loi NOTRe vient enfin d’inscrire dans notre corps législatif les Droits culturels des personnes comme outil d’émancipation individuelle et collective.
Michel Allemandou – Février 2025
(1) Marjorie Glass – Quand l’art chasse le populaire . Socio-histoire du théâtre public depuis 1945 – Agone , «L’ordre des choses».
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Éditorial du mois de Février 2025 :
« Le Nouveau Colosse« (1)

Pas comme ce géant d’airain de la renommée grecque
Dont le talon conquérant enjambait les mers
Ici, aux portes du soleil couchant, battues par les flots se tiendra
Une femme puissante avec une torche, dont la flamme
Est l’éclair emprisonné, et son nom est
Mère des Exilés. Son flambeau
Rougeoie la bienvenue au monde entier ; son doux regard couvre
Le port relié par des ponts suspendus qui encadre les cités jumelles.
« Garde, Vieux Monde, tes fastes d’un autre âge ! » proclame-t-elle
De ses lèvres closes. « Donne-moi tes pauvres, tes exténués,
Tes masses innombrables aspirant à vivre libres,
Le rebus de tes rivages surpeuplés,
Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte
Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or ! »
(1) Dans le socle de la Statue de la Liberté le visiteur peut lire quelques vers, écrits en anglais bien sûr. Il s’agit du poème « The New Colossus », d’Emma Lazarus. Cette plaque a été ajouté en 1903 sur le socle, elle n’était donc pas là à l’inauguration.
« Trump-Musk, la nature du nouvel impérialisme. »
Par Patrick LE HYARIC, le 15 Janvier 2025

Dans le camp occidental, le capitalisme entre en collision avec lui-même. Les dégâts en Europe risquent d’être considérables sans une énergique intervention des travailleuses et travailleurs et des peuples. Des conseils d’administration des grandes entreprises à base européenne aux chancelleries, jusqu’à la grande presse, on s’alarme de plus en plus – et à raison – de la situation en Europe, à la veille de l’arrivée à la Maison-Blanche du duo Trump-Musk et des 11 milliardaires qui composeront la nouvelle Administration américaine.
Dans ce cadre, le rejet populaire massif et sans appel d’Emmanuel Macron et la chute du chancelier allemand Olaf Scholz – pourtant à la tête d’une coalition de compromis – ne cessent d’inquiéter les dignitaires du grand capital européen.
Le capital européen en ébullition.
Il y a quelques mois déjà, les rapports de deux anciens présidents du Conseil italien (dont l’un a été président de la Banque centrale européenne, BCE) MM. Draghi et Letta n’hésitaient pas à considérer que l’Union européenne était entrée dans une « longue agonie ». Voici que le pâle ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères M. Benjamin Haddad proclame dans le Figaro du 11 janvier que « l’Europe risque un effacement pur et simple ». Le gouverneur de la Banque de France alerte sur « le spectre de la récession en Europe ».Dans un texte publié dans le journal La Tribune dimanche, Enrico Letta et Thierry Chopin, professeur notamment au collège d’Europe (Bruges), sonnent à nouveau l’alarme : « Il est temps de réveiller l’Europe », proclament-ils d’un ton angoissé. On peut lire dans une note de l’institut Thomas-Moore, publiée la semaine dernière : « À ce moment précis de notre histoire commune, l’insolent dynamisme américain lève le voile sur le visage usé de l’Europe : impasse économique, dépendance énergétique, incurie diplomatique, insuffisance militaire, retard technologique, impuissance financière et pesanteur administrative. » Cet implacable réquisitoire, venant d’un institut qui est tout l’opposé d’une officine communiste, est le constat d’échec cuisant d’une construction européenne ultralibérale, atlantiste et militariste.
[…] Pour lire la suite, téléchargez le document ci-après :
impérialisme2025_PatrickLeHyaric
Sur la situation internationale regarder aussi la contribution qu’il a faites aux 17e Rencontres d’Espaces Marx Aquitaine en décembre 2024 :
Patrick LEHYARIC, « Révolutionner les relations internationales ? Un enjeu de notre temps ! »
Lien vidéo: https://youtu.be/eVph4jwipPM
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Éditorial du mois de Janvier 2025 :
« Lettre (…) au président »
Par Eric Keiser, proviseur du lycée Tani Malandi à Chirongui – Mayotte

« Tsoholé Monsieur le Président, je vous fais une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps…
Loin de moi l’idée de plagier l’idée du déserteur tout simplement parce que je ne n’ai pas le talent de Boris Vian mais surtout parce les mots qui vont suivre sont tout sauf le symbole du renoncement, de la fuite ou de la résiliation. Je déteste le concept de résilience, n’en déplaise à un autre Boris. Nous plions. Nous nous adaptons. Ici nous prions. Ici nous adoptons. Vous voyez combien une seule lettre peut tout changer. Parce nous avons pour seul credo l’humanité et son avenir : ses enfants. Il n’y a pas de renoncement ; pas de silence. Ce silence qu’ont laissé cette tempête et ce vent qui ont effacé la vie, la couleur de la terre et de la mer, l’existence bigarrée d’une population qui riait, qui pleurait aussi, qui criait ou dansait, qui courait derrière des pneus, qui sautait dans des pirogues; l’existence d’un peuple qui était digne et fier, même lorsqu’il vivait dans des bangas en tôle sous une chaleur suffocante, parfois sans eau ni électricité. Ce bruit me manque. La vie tout simplement me manque. Voilà maintenant neuf ans que je consacre à Mayotte mon existence. Ma longue carrière de chef d’établissement au cœur de ce territoire singulier me donne peut-être le droit de vous écrire ce soir à la lumière d’une bougie car l’électricité n’est toujours pas rétablie mais je reste un privilégié car mon logement a résisté à la fureur des vents et qu’aujourd’hui j’ai eu la chance d’avoir de l’eau et de pouvoir manger car il me restait le carburant et la monnaie nécessaires. Vous voyez que je demande finalement peu : que les personnes que je croise lorsqu’elles viennent chercher de l’eau dans des récipients de fortune, dans le lycée que je ne ferme plus car il est sur le « chemin de l’eau » puissent elles aussi rapidement bénéficier du même traitement que moi. J’ai rencontré aujourd’hui des familles à qui les secours ont distribué un peu d’eau en bouteille, de la farine et du sucre. Je serais incapable de me nourrir avec ces vivres. Sans doute parce que pour être un médiocre écrivain, je n’en suis pas moins un cuisinier peu créatif. Monsieur le Président, tout simplement du riz (tsoholé en Shimaroé). Du riz aiderait dans un premier temps ces familles en détresse. C’est du riz que j’ai offert hier à certaines de mes élèves qui n’avaient plus rien. Je suis conscient de l’effort qui est fait par l’État. Mais de l’eau, du gaz et du riz sont des produits de première nécessité qui permettraient d’accompagner les plus vulnérables qui reconstruisent déjà sur les ruines leur habitat de fortune. Il fait plus de 30 degrés, vous le savez. La situation sanitaire va vite devenir préoccupante. Les secours font au mieux. Mais la faim et la soif ont quelque chose d’insupportable. Certaines communes restent pour le moment totalement sinistrées. Je vis dans le sud de l’île où les dégâts ont surtout été matériels. Mais nous sommes isolés matériellement, physiquement et psychologiquement au cœur d’un paysage défiguré et surréaliste. Je tiendrai parce qu’il le faut. Résister, pas se résilier. Et même si la rentrée devait être repoussée, j’ouvrirai mon établissement (qui est un des plus petits lycées même si j’accueille 1800 élèves) le 13 janvier comme cela était prévu. Il n’aura d’ailleurs jamais été fermé. Le symbole est plus fort que la réalité. Bien sûr que ma fonction est d’amener les élèves à réussir en obtenant un diplôme mais ce qui compte plus que tout est qu’ils réussissent leur vie en devenant des citoyens libres et éclairés. Je suis le fils de Condorcet et le progrès social de Mayotte ne peut passer que par l’éducation, l’éducation de tous ses enfants car qu’ils soient français ou étrangers : ils partagent la même vie, la même scolarité et parlent les mêmes langues. Certains professeurs qui sont ici davantage des éducateurs n’auront pas quitté le territoire ou reviendront pour travailler à mes côtés et pour accueillir, accompagner et écouter tous ceux qui se présenteront (si les transports scolaires peuvent être assurés) et si nos établissements sont remis partiellement en état. Mais ce qui me terrifie, et je l’avoue me fait pleurer dans la chaleur de la nuit, ce sont ceux qui ne reviendront pas – jamais. Je leur ai dit « au revoir » lorsque nous avons fermé nos établissements de manière anticipée. Ça fait tellement mal de penser qu’il n’y a aura peut-être pas de « revoir », parce que la misère et l’insouciance de la jeunesse sont souvent de tristes conseillères. Mais il faudra être là pour tous les autres, pour tous ceux que nous devrons accompagner, à qui nous devrons montrer que la vie est encore possible sur ce petit morceau de terre. J’ai toujours été admiratif de leur courage et de leur mérite, car il en faut lorsqu’on se lève à 4 heures chaque matin, en ayant parfois 2 heures de transport voire plus dans des bus qui se font attaquer ; sans avoir mangé, en ayant dans la journée une simple collation pour seul repas ; des cours dans lesquels le sommeil ne doit pas gagner en raison de la chaleur et d’une médiocre hygiène de vie ; et le trajet du retour, interminable. C’est le quotidien maltraitant d’un collégien, d’un lycéen ou d’un étudiant à Mayotte. Je ne m’étendrai pas sur l’insécurité et la violence – sous toutes ses formes – qui font partie de leur existence. Et si la reconstruction permettait de changer les choses ? Mayotte pourrait être pour une fois première, la première académie à explorer une nouvelle conception de l’école. Accordez-nous exceptionnellement cette possibilité. Vous n’ignorez pas que Camus disait que « l’école prépare les enfants à vivre dans un monde qui n’existe plus. » Essayons de procéder autrement. Préparons nos enfants à un monde qui n’existe pas encore. L’imagination est le plus court chemin entre l’avenir et eux. Je souhaiterais, Monsieur le Président, terminer cette lettre trop longue sans doute et maladroite, mais il y aurait tellement à dire, sur une note touchante. Ce matin une jeune fille et cinq enfants plus petits venaient chercher de l’eau dans des bouteilles et récipients trop lourds pour eux. (Nous prenions le chemin de l’école, ils prennent le poétique « chemin de l’eau »). J’ai distribué à chacun un jus de fruit et des gâteaux secs et tandis qu’ils me remerciaient et que leurs yeux brillaient, je leur demandais en quelle classe ils étaient. La plus grande m’a répondu être en cinquième puis les autres à tour de rôle me disaient être en grande section, en CP et CE1. Il restait une petite fille silencieuse et parlant à sa place la plus âgée m’a murmuré : « elle devrait être en CP mais elle n’a pas d’adresse donc elle ne va pas à l’école… Vous êtes le directeur, vous voulez pas lui donner une adresse ? ». J’ai simplement répondu cachant mon émotion qu’ils devaient tous lui apprendre ce qu’ils apprenaient, peut-être à écrire et même à lire. Et que j’étais certain qu’elle irait bientôt à l’école parce qu’elle aurait une adresse. Cette impuissance et mon incapacité à pouvoir l’aider davantage m’ont conduit à vous écrire. Vous voyez, une fois encore le symbole dépasse la réalité. C’est également ici que la France qui nous aide doit se mobiliser et trouver une solution pour ne laisser aucun enfant sur le bord du chemin de l’eau ou de l’école, pour lui trouver une adresse et une vraie maison. L’école est obligatoire parce qu’elle est un droit. J’ai consacré ma vie à l’enseignement et à l’instruction, sans ignorer que le premier humanisme est l’éducation. « vivre est le métier que je veux lui apprendre » disait le maître à Émile. Pour que cette petite fille puisse apprendre à vivre en femme. Pour que tous nos enfants apprennent à vivre en hommes. Pour que Mayotte les entendent à nouveau rire, danser ou courir sans avoir peur du lendemain et du silence. Je formule ces vœux en cette période de fêtes et de résolutions. Et c’est avec confiance et détermination que je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de mes respectueuses et dévouées salutations.
Eric Keiser, proviseur du lycée Tani Malandi à Chirongui – Mayotte »
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Éditorial du mois de décembre 2024 :
» UNISSEZ VOUS «
Par Maryse DUMAS, Syndicaliste, Novembre 2024

Chaque année, le 14 novembre, une curieuse cérémonie se déroule au cimetière de la Chartreuse à Bordeaux. On y voit le ou la consul du Pérou, et des musiciens péruviens. On y voit aussi des militantes et militants de l’Institut CGT d’Histoire Sociale de la Gironde, ainsi que des représentant.es de la municipalité. Prises de paroles, chants et musique péruviens se succèdent dans une tonalité dynamique et joyeuse, inhabituelle dans ce lieu. Tout ceci en hommage ( femmage ?) à Flora TRISTAN décédée, à seulement 41 ans, à Bordeaux, il y a 180 ans. Née en 1803, d’un père péruvien, aristocrate, et d’une mère émigrée de la Révolution française, Flora TRISTAN n’a jamais réussi à faire légitimer sa naissance. Le mariage de ses parents, consacré religieusement en Espagne n’a aucune existence légale dans la France de Napoléon 1er. A la mort de son père en 1807, elle devient une « enfant naturelle », mise à l’index de la société et sans héritage. C’est son 1er affrontement avec l’ordre patriarcal. A 17 ans, le patron de l’atelier dans lequel elle travaille comme ouvrière l’épouse. Deux garçons et une fille naitront. Cette dernière sera la mère du grand peintre Paul GAUGUIN. Le mari de Flora est possessif et violent, il la brutalise et refuse la séparation de corps qu’elle demande. Elle le quitte et se bat pour obtenir la reconnaissance de cette séparation et la garde de ses enfants, ce qui est impossible sous le code Napoléonien. Ce sera son 2ème affrontement avec le système patriarcal. En 1838, son mari essaie de l’assassiner de plusieurs coups de révolver. Deux balles ne pourront être retirées de son corps et lui laisseront une santé très fragile. On ne parlait pas encore de féminicide mais de crime passionnel ou de crime « d’honneur ». Cependant le criminel est condamné à 20 ans de réclusion. La séparation de corps est acquise mais pas le divorce que le code Napoléon interdit alors que la Révolution française l’avait autorisé. Pour se faire légitimer, Flora s’embarque pour le Pérou. Sa famille paternelle l’accueille, lui attribue une pension, mais lui refuse la reconnaissance qu’elle attend. Au retour, elle écrit «Les pérégrinations d’une paria ». Le livre fait scandale au Pérou. On lui supprime la pension. C’est pourtant ce livre qui construira sa notoriété dans ce même pays. Dans ce livre et dans ceux qui suivront, Flora TRISTAN révèle un vrai talent d’écrivaine mais aussi de fine observatrice de la vie des plus humbles. Elle défend l’abolition de l’esclavage et de la peine de mort, tout en dénonçant partout, toujours le sort inégal fait aux femmes. Elle écrit dit-elle pour que « les femmes fassent parler leur douleur ». A Londres elle prend conscience de la condition ouvrière, « L’esclavage n’est plus à mes yeux la plus grande des infortunes humaines, depuis que je connais le prolétariat anglais ». Grâce à une souscription réalisée parmi les ouvriers et quelques personnalités, elle publie son œuvre majeure : L’Union ouvrière. Femme d’action, elle décide d’un tour de France pour convaincre « la classe la plus nombreuse et la plus pauvre »de la nécessité de son union. Sa mort ne lui laisse pas le terminer. Ses obsèques donnent lieu à un immense cortège ouvrier. En1848, les » travailleurs reconnaissants » se cotisent pour lui élever un tombeau. Celui-là même, devant lequel se tient la cérémonie annuelle qui honore une féministe et une militante acharnée de la nécessité de l’union de la classe ouvrière pour son émancipation.Maryse DUMAS, Novembre 2024, Chronique publiée dans le magazine L’Humanité Dimanche.
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Octobre 2024
Par Jean-Marie HARRIBEY , Maître de Conférences Honoraire de l’Université de Bordeaux, le 20 Septembre 2024

La séquence politique que nous venons de vivre est étonnante. Le président Emmanuel Macron a réinventé le septennat. Sept ans de politique néolibérale sans complexe, sept ans de mépris des hommes et des femmes qui travaillent, sept ans de mises en cause du droit à la retraite et à l’assurance chômage, sept ans de pouvoir sans partage, sept ans de recul des droits des migrants, sept ans conclus par une dissolution improvisée, une défaite électorale imprévue et une innovation jamais vue dans un pays dit démocratique : la gauche déclarée officiellement exclue de la possibilité même de former un gouvernement, formellement donc inéligible, et la nomination d’un premier ministre issu de la plus petite formation politique représentée au parlement – celle qui s’opposa même au front républicain – avec le sauf-conduit de l’extrême droite. Un président dont les troupes ont bénéficié du front républicain dressé par la gauche, mais qui, afin d’écarter celle-ci, conclut un pacte de non-agression avec l’extrême droite qui était justement l’objet de ce front républicain dressé contre elle. Bref, l’échec d’un président qui s’est « thatchérisé » puisqu’il ne conçoit pas d’alternative à sa politique. Le gouvernement Barnier sera donc de droite et de droite… en même temps…
Il n’y aurait pourtant là rien qui devrait étonner. Les représentants politiques de la bourgeoisie qui détient les pouvoirs économiques, financiers et médiatiques savent toujours de quel côté il faut balancer. Le président du Medef l’avait exprimé clairement : tout plutôt que le Nouveau Front populaire et son programme. Le sous-entendu de ce « tout plutôt » signifiait : « même avec l’extrême droite ». En tout cas, avec l’assentiment de celle-ci. Ça y est, c’est fait.
Même si de nombreux facteurs influencent le cours des choses, jetons un coup d’œil en particulier sur l’enjeu économique de ce coup de force. Le capitalisme traverse une crise structurelle grave. Sa dynamique à l’échelle mondiale est passablement enrayée. Parce que le climat se dérègle et crée une incertitude pour les investissements, parce que la bataille pour l’appropriation des ressources devient plus âpre, parce que les pollutions de toutes sortes s’accumulent. Et, au final, parce que, sur fond de crises sociale et écologique jumelées, la productivité du travail ne progresse plus et même régresse en certains endroits. Or, le travail étant toujours la source unique et ultime de la production de valeur , c’est la rentabilité du capital qui, potentiellement, peut se trouver menacée. Sauf si, dans un sursaut de la bête, un nouveau tour de vis était imposé au travail.
Les forces politiques, syndicales, associatives de gauche sauront-elles prendre la mesure de l’enjeu du travail, c’est-à-dire de la place des classes populaires dans la société et donc dans une perspective de leur émancipation ? On voit bien que, à gauche, c’est là que le bât blesse. La dérive ayant consisté à abandonner à leur sort les classes populaires s’est révélée peu à peu mortifère, en premier lieu pour la réponse aux besoins sociaux et par voie de conséquence pour la légitimité de la parole politique. Le résultat fut un basculement partiel mais important du vote populaire vers l’extrême droite. Celle-ci, trop heureuse de ce « cadeau », a pu greffer un discours prétendument social sur son registre traditionnel identitaire, nationaliste et xénophobe.
Au milieu de cette dérive et par vents contraires, comment retrouver le nord quand on l’a perdu ? Personne ne le sait vraiment. Mais au moins, il y a deux conditions sine qua non. La première est politique : c’est l’approfondissement de l’unité du Nouveau Font populaire dont on voit bien à quel point elle est fragile. La seconde est théorique et stratégique : le capitalisme a engendré ou perpétué de multiples formes de prédation, de dominations et de discriminations dont les plus évidentes sont celles de sexe/genre et de race. Mais leur prise en compte et les luttes qui sont menées pour leur faire obstacle ne signifient pas que l’exploitation de la force de travail et la structuration de la société en classes sociales antagoniques appartiennent au passé. Or, la gauche, les gauches, qu’elles soient de parti ou d’association ont trop eu tendance à dissoudre le rapport capital/travail dans un discours culturaliste où les questions d’identité prennent le pas sur la question sociale. Si la séquence politique actuelle a un mérite, merci au Medef de nous l’avoir rappelé, c’est celui de mettre en lumière le clivage de classes derrière la crise structurelle du capitalisme. La gauche doit intégrer dans sa problématique toutes les formes de luttes mais sans éliminer le socle social qui la définit.
Jean-Marie Harribey, le 20 Septembre 2024
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Septembre 2024
« Au-delà du marasme politique »
Par Michel CABANNES (*), Maître de Conférences Emérite de l’Université de Bordeaux, le 16 Septembre 2024

La séquence politique de l’été 2024 a montré l’ampleur du décalage entre les carences de la vie politique française et les urgences qui s’accumulent au plan économique, social et écologique. Parmi ces péripéties, on peut retenir notamment le déni de démocratie par le chef de l’Etat, la tendance à la droitisation du corps électoral et l’enjeu des rapports internes à la gauche.
Le déni de démocratie.
Les résultats des élections européennes et législatives ont confirmé la défiance des électeurs à l’égard de la politique d’Emmanuel Macron. L’opération visant à élargir le « bloc bourgeois », support du macronisme, a échoué. Face à l’hostilité majoritaire du corps électoral, le chef de l’Etat a choisi d’enfreindre la démocratie à double titre. D’une part, il a refusé de nommer à Matignon Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front Populaire, premier des groupes parlementaires. D’autre part, il a désigné Michel Barnier, issu du groupe LR, grand battu des élections, avec le consentement du RN, contre lequel une majorité de français a voté massivement le 7 juillet.
Le chef de l’Etat a voulu sauvegarder, contre vents et marées, la poursuite d’une politique économique néolibérale qui n’a plus le soutien des électeurs. Il a réactivé le TINA (« There is no alternative ») de Margaret Thatcher. Son choix est d’ailleurs conforme aux vœux des organisations patronales. Il a écarté le programme du NFP car celui-ci incluait une forte hausse des dépenses publiques et des impôts sur les plus riches et sur le capital, c’est à dire l’extension de l’Etat social (protection sociale, services publics, fiscalité redistributive) au détriment de l’Etat du capital.
Le choix de Macron s’inscrit dans la tendance des dirigeants à passer outre les résultats des élections allant à l’encontre des politiques néolibérales (cf. le non- respect du non français au référendum sur le TCE en 2005). Le néolibéralisme ne fait pas bon ménage avec la démocratie, ce qui confirme les thèses du « libéralisme autoritaire » : l’hégémonie du marché crée des tensions dans la société incitant le pouvoir politique à recourir à l’autoritarisme. La lutte contre les atteintes à la démocratie redevient donc d’actualité, surtout si on veut avancer dans la transformation économique, sociale et écologique.
La droitisation du corps électoral.
Les résultats des élections européennes et législatives reflètent une droitisation du corps électoral, si l’on en juge par les progrès électoraux de l’extrême droite au-delà de 30% et le plafonnement de la gauche en dessous de 30%. Cela survient alors que la contestation sociale de la politique économique a été très forte au cours des dernières années, depuis la crise des gilets jaunes jusqu’à l’opposition massive à la réforme des retraites. Ce contraste reflète l’incapacité à traduire le mécontentement social en termes de politiques progressistes. Une partie de la population rejette la responsabilité de ses difficultés sur des bouc émissaires, les immigrés ou les « assistés ».
La droitisation de la vie politique est en partie liée à l’idéologie néolibérale dans un contexte de compétition accrue. Cela favorise la montée de l’individualisme, le scepticisme envers l’action collective, et dégrade la culture politique (dont le recul du rôle formateur des partis, des syndicats et des associations), d’où l’incapacité à saisir les causes des dégradations ressenties et la désignation de faux responsables. La droitisation est aussi liée au rôle néfaste des médias dans la présentation de la politique (banalisation de l’extrême droite, dénigrement de LFI et du NFP), des problèmes de l’économie et de la société, ainsi qu’aux déceptions suscitées par des politiques de la gauche dans le passé.
Pourtant la société ne se droitise pas comme la sphère politique. Les enquêtes montrent une forte demande de redistribution, même si l’indice de préférence sociale connaît des fluctuations. Elles révèlent également une tendance à moyen terme en faveur de l’ouverture à la diversité (reflux des préjugés à l’égard des immigrés et des minorités) d’après l’indice longitudinal de tolérance (Vincent Tiberj).
Tout cela plaide pour un intense travail sur le front des idées. Les associations d’éducation populaire, les syndicats et les partis doivent mener un travail d’explication pour faire apparaître la responsabilité du capitalisme néolibéral mondialisé et financiarisé dans la dégradation économique, sociale et écologique actuelle. On doit aussi aborder de front la question de l’immigration, ses causes et ses effets, pour faire reculer les préjugés à partir des faits réels. On doit également affronter la question de l’insécurité en dissipant les fantasmes mais en répondant aux attentes des populations les plus vulnérables.
Les rapports au sein de la gauche.
Les péripéties de l’été 2024 ont confirmé les avantages de l’unité de la gauche. Après l’alerte des élections européennes, la constitution en quelques jours de l’alliance électorale défensive et l’élaboration d’un programme cohérent du Nouveau Font Populaire ont provoqué une mobilisation. Cela a permis à la gauche non seulement de barrer la route du pouvoir au Rassemblement National mais aussi d’obtenir une progression du nombre d’élus au second tour des législatives. Cela a permis ensuite au NFP de proposer une candidate commune, Lucie Castets, pour la fonction de premier ministre. Cela veut dire que, même en période d’intenses divergences, l’union de la gauche est possible quand on le veut et qu’elle garde son efficacité au plan électoral.
Pourtant les tensions au sein de la gauche restent vives, entre LFI et le reste de la gauche, entre la direction et la forte minorité du PS, entre la direction et les anciens de LFI. Il est légitime que les divergences d’appréciation existent sur les priorités concernant les objectifs, les revendications, la laïcité, l’écologie, la croissance, les publics-cibles, les tactiques, etc. Mais il est anormal que les divergences deviennent des sujets d’invectives et a fortiori d’exclusion mutuelle. Les oppositions actuelles ne sont pas plus fortes que celles du passé (sur la décolonisation et le rapport à l’URSS notamment) qui n’avaient pas empêché un processus unitaire à plusieurs reprises.
La thèse de Manuel Valls sur les deux gauches irréconciliables, la gauche de gouvernement et la gauche radicale, est une impasse. On ne peut imaginer une victoire en excluant une des deux composantes. Cela vaut d’abord pour les partisans de la gauche modérée qui voudraient se passer de la gauche radicale. Cela réduirait les chances de la gauche de devenir majoritaire et cela prolongerait les échecs des politiques social-libérales de la gauche : il faudra une dose de radicalité pour traiter les défis sociaux et écologiques. Cela vaut aussi pour les partisans de la gauche radicale qui voudraient exclure la gauche modérée. Cela empêcherait de devenir majoritaire dans un pays capitaliste développé et cela hypothéquerait la survie d’un pouvoir de gauche. Seule l’unité permettra de conquérir une majorité. On doit rechercher des convergences par des compromis en ayant aussi le souci de la cohérence pour ne pas décevoir par la suite les attentes de la population.
Michel Cabannes, Septembre 2024
(*) Il a notamment publié La politique macroéconomique (1994), Introduction à la macroéconomie (1995), Les politiques conjoncturelles (1998), et Les finances locales sur la paille ? Des vaches grasses aux vaches maigres (Le Bord de L’eau, 2011).
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Juillet 2024
» Dimanche est jour de mobilisation pour la République sociale et laïque, démocratique et écologique « ,
par Patrick LE HYARIC, Ancien Directeur du journal l’Humanité, ancien parlementaire européen, Le 4 Juillet 2024

Il nous reste quelques heures pour faire en sorte que la France ne tourne pas le dos au meilleur de son histoire.
Tout démocrate, tout humaniste, tout républicain est placé au pied d’un mur épais et sombre : empêcher quoiqu’il en coûte de laisser advenir le pire dimanche prochain. Empêcher l’extrême droite de conquérir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale et d’occuper les ministères. Toutes les opérations déployées depuis vingt-quatre heures visant à embrouiller les cartes en laissant entendre que les désistements permettent désormais, automatiquement d’empêcher une majorité d’extrême droite à l’Assemblée nationale sont un poison visant à démobiliser les démocrates qui veulent faire barrage. De même les embrouillaminis autour d’un gouvernement de coalition demain ajoutent encore à la confusion et ressoudent des personnes qui en ont assez des combines politiques, des alliances qui se font dans leur dos pour mettre en œuvre des politiques contraire aux intérêts des travailleurs.
Soyons lucide ! L’une des causes du vote RN/FN résulte de ces quarante années « d’alternance » entre la droite et la gauche socialiste sans améliorer la vie des travailleurs et des citoyens. C’est le contraire qui s’est produit au bénéfice des « 500 familles » dont le patrimoine n’a cessé de grossir.
Ici, le moment est particulier, trouble, inquiétant. Et le geste à produire dimanche pour empêcher la bascule est simple. Faire barrage au monstre dont on découvre au fur et à mesure le vrai visage de leur candidat. Quand ils ne sont pas sous curatelle, ils sont racistes, xénophobes et continue d’arborer les insignes et signes nazis.
Personne ne doit donc perdre de vue la portée du moment historique en cours.
Le brouhaha des invectives, des mensonges et des chiffres qui volent en escadrilles ne sert qu’à cacher la gravité du moment.
En effet, ce n’est pas une simple alternance qui peut sortir des urnes dimanche prochain. C’est un point de bascule sans retour à long terme.
Les démocrates, les républicains, les humanistes ont donc l’immense responsabilité de construire une solide, plurielle et fraternelle chaîne pour empêcher la chute dans l’abîme d’une ère politique brune de la France des solidarités, de la générosité, de la culture et du travail.
Notre France, cette France des lumières et de la Résistance, « celle de trente-six à soixante-huit chandelles » peut pour la première fois par la voie des urnes se jeter dans la gueule du monstre brun. Ses mâchoires broieraient un à un ses conquis sociaux et démocratiques, ses libertés, sa culture, sa justice, son école, ses équipes de recherche, ses obligations pour préserver le climat, son ouverture au monde. Bref, tous les éléments constitutifs de sa république forgés au cours de dizaines d’années de mobilisations et de controverses démocratiques.
Voilà qui change la nature même du vote de dimanche prochain. Ce second tour pour l’élection de l’Assemblée nationale prend le caractère d’un référendum pour défendre et sauvegarder la république en empêchant une victoire de l’extrême droite.
Oh, certes en écoutant ses responsables tout est calme, tout est rassurant, tout est polissé. Les marchés financiers qui ont salué leur performance électorale en disent long sur leur préférence. Ils ont rassemblé 9 377 123 millions d’électrices et d’électeurs sur le nom de leurs candidats dont une bonne partie d’entre eux n’a même pas fait campagne. Mais avec 8 974 563 voix le nouveau Front populaire n’est qu’à 400 000 voix de ce résultat.
S’ils ont rassemblé un tiers de l’électorat, cela veut aussi dire que deux tiers n’ont pas voté pour eux.
Ceux qui depuis des semaines ont fait profession de tirer un trait d’égalité entre l’extrême droite antirépublicaine et la coalition des gauches et des écologistes ont soit perdu la tête, soit souhaitent ouvertement la victoire d’une force fondée par des Waffens-SS et comptant toujours dans ses rangs des néo-nazis. Se placent-ils en héritier de ceux qui en 1936 affirmaient droit dans leurs bottes ? « Plutôt Hitler que le Front populaire » ?
Le Front populaire d’aujourd’hui est l’alternative progressiste, sociale, démocratique, écologique pour battre cette extrême droite et offrir une perspective de mieux vivre, d’un nouveau pouvoir de vivre, tant malmené depuis des années.
Fidèle aux idéaux de la Résistance et de la France solidaire, les forces du nouveau Front populaire n’hésitent pas, ne tergiversent pas : ils se désistent et soutiennent – au nom de la République – toutes les candidates et candidats qui peuvent empêcher l’élection d’un parlementaire d’extrême droite.
Il en coûte certes, à des militants de gauche, à des progressistes, à des militants syndicaux ou associatifs de voter pour des candidats de la macronie ou de droite qui ont reculé l’âge de départ en retraite, déstructuré le droit à l’assurance-chômage ou ont utilisé les longs canifs contre le Code du travail. Mais ils vont à l’essentiel. L’essentiel est de prêter l’oreille pour entendre sous les nouveaux discours lisses du RN/FN les messages codés d’une extrême droite la plus brutale, la plus autoritaire, la plus antisociale, la plus anti-écologique.
Prêtons en même temps, attention au tableau de notre pays que dépeint Mme Le Pen : le pays serait ruiné, au bord de la faillite, dit-elle pour mieux faire demain accepter une cure d’austérité sans précédent.
Derrière l’idée de rapprocher le salaire net du salaire brut, il y a la suppression des cotisations sociales qui conduit à la fin de la Sécurité Sociale et du système de retraite par répartition pour offrir la santé et la protection sociale de chacune et de chacun aux assurances privées et aux fonds de pension.
Et pour mieux justifier des dérogations au droit commun et pouvoir imposer des dispositions exceptionnelles, ils agitent le mensonge de villes en voie d’islamisation et sous la coupe de dealers. Leurs attaques contre l’audiovisuel public cachent mal leur haine du pluralisme, leur critique de la justice, de la Cour européenne des droits de l’homme et de l’ONU prépare leur rejet de « l’État de droit ».
Pour mieux tromper son monde, voici que le sieur Bardella tout en contrôle de sa raide posture et de ses mots annonés se présente en « candidat de la raison », avec « un programme raisonnable », qui n’apportera rien à ceux qui croient voter pour une quelconque amélioration de leur vie quotidienne. En vérité matraquer plus pauvre que soit ne nous rendra pas plus riches. Par contre, il se fait fort de protéger les 500 familles qui ont accumulé ces dernières années 1200 milliards d’euros et les marchés financiers. Voilà ce que signifie « candidat de la raison ». Rien pour améliorer les bas salaires, rien pour les prix plancher agricoles, rien pour le travail et l’emploi. Aux manettes du gouvernement, le RN/FN sera un élément supplémentaire du rapport de force en faveur des puissances industrielles et financières qui auront carte blanche pour exploiter toujours plus les travailleuses et les travailleurs et réduire leurs droits.
Quand on veut exclure les binationaux, quand on remet en cause le droit du sol, au nom du « bon sens » quand on prône la « préférence nationale » maquillée en priorité nationale, on veut entailler notre Constitution, dont son préambule de 1946 et tourner le dos à la République. Pourquoi, par une inversion des responsabilités et des valeurs, avoir caché que le programme du RN/FN est antirépublicain ? La conception républicaine de la citoyenneté française est depuis très longtemps le contraire de la mesure de la quantité de sang « français » qui circule dans nos veines et artères. Derrière le vernis et les costumes se cachent bien une conception raciale de l’être humain.
Au galimatias économique et social, aux promesses électorales à géométrie variable, à la contestation, des modifications climatiques, à l’anti-progressisme s’ajoute la remise en cause des mécanismes de solidarité et le retour au pire : l’obsession nativiste de la pureté biologique du peuple. Ceci doit rappeler quelque chose à tous les humanistes par-delà leurs opinions.
Dimanche, faisons front démocratique et républicain. Empêchons la bascule qui ouvrirait la sombre voie du bradage de siècles de conquêtes républicaines et au nationalisme xénophobe, raciste et antisémite. Contrairement à ce que pensent certains, ce ne serait pas un essai. Incapable d’améliorer la vie des gens et de sortir le pays de l’ornière, ils réclameront dans trois ans les pleins pouvoirs.
Dimanche est jour de mobilisation pour la République sociale et laïque, démocratique et écologique.
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« Europe: ce qui peut changer avec le Front Populaire « ,
Par Francis WURTZ, député honoraire du Parlement Européen, dans le Journal L’Humanité-Magazine de ce week-end. Le 27 Juin 2024.

Comme pour les autres chapitres du « contrat de législature » du Nouveau Front populaire, les passages concernant la politique européenne sont le fruit de compromis collectivement assumés par les différentes composantes de la gauche. Le fait qu’un tel résultat ait pu être atteint dans un domaine aussi sensible en dit long sur la conscience – unanime – de l’enjeu politique sans précédent de ces élections de la part de toutes les formations politiques concernées. Ce texte les engage toutes. Les seules questions qui vaillent sont finalement de savoir si les mesures préconisées répondent à trois « R » : sont-elles en rupture avec les politiques suivies jusqu’ici ou envisagées par les autres partis ? Sont-elles réalistes dans le contexte des rapports de force en Europe ? Sont-elles rassembleuses en France ?
Elles sont à l’évidence des actes de rupture. Un seul exemple : le refus de l’austérité. Rappelons que les règles budgétaires très strictes du pacte de stabilité avaient été suspendues du fait de la pandémie en mars 2020 pour une durée indéterminée. L’an dernier, les 27 gouvernements ont mené d’âpres négociations entre les partisans d’un retour à la « discipline » budgétaire et à l’austérité – au premier rang desquels la coalition au pouvoir en Allemagne – et les défenseurs, au sud de l’Europe, d’une orientation plus favorable à la croissance et aux investissements publics, notamment ceux qu’exige l’urgence climatique. Face au forcing de Berlin, beaucoup comptaient sur la détermination de Paris. Bruno Le Maire n’avait-il pas qualifié le pacte de stabilité d’« obsolète » ? Fin décembre dernier, ce bras de fer, qui aurait pu déboucher sur un début de changement prometteur, se conclut en définitive par le ralliement de la France à l’essentiel des thèses austéritaires allemandes. La messe fut dite : par-delà quelques fioritures, le vieux pacte « obsolète » était de retour. On connaît la suite… Récuser les « contraintes austéritaires » du pacte budgétaire, tout en recherchant l’équilibre entre les dépenses et les recettes grâce, notamment, à une profonde réforme fiscale visant le capital et les grandes fortunes : telle est la rupture que propose la gauche unie. Cet objectif est réaliste sur le plan européen, précisément parce que nombreux sont les pays de l’UE où la même aspiration populaire s’exprime : rappelons que plus d’une personne sur cinq, dans l’UE, est menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale (Eurostat, 2023). Il est, enfin, rassembleur en France, car il répond à une double urgence : l’amélioration du pouvoir d’achat et le retour de services publics correctement financés. C’est une belle bataille, constructive et emblématique, en perspective.
Autre acte de rupture avec la droite et l’extrême droite, tant en France qu’en Europe : la relance du « pacte vert » européen pour la défense de l’environnement et du climat, que nos adversaires ont entrepris de déconstruire. Elle est réaliste, car elle répond à une urgence perçue par le plus grand nombre. Elle est rassembleuse, car elle s’accompagne des financements nécessaires pour ne pas pénaliser les classes
Ces mesures de rupture, réalistes et rassembleuses, sont au cœur des attentes de notre peuple et « parlent » à des millions d’Européennes et d’Européens.
populaires. Il en va de même pour notre choix de la défense d’une agriculture paysanne et d’un prix rémunérateur pour les productions (plutôt que des aides aléatoires et notoirement insuffisantes) ; ou encore de notre opposition aux traités de libre-échange comme de notre engagement en faveur d’une réindustrialisation de l’Europe, notamment dans les domaines stratégiques : ces changements sont au cœur des attentes de notre peuple et « parlent » à des millions d’Européennes et d’Européens. Sur les enjeux européens aussi, un succès du Nouveau Front populaire permettrait d’amorcer une « bifurcation » salutaire !
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Juin 2024 Suite
Le Nouveau Front Populaire : « L’alternative au bloc bourgeois »
Par Patrick Le Hyaric, Ancien directeur de l’Humanité, le 20 Juin 2024, Tribune publiée par Journal L’Humanité

Les réalités politiques sont souvent cachées par les apparences que cultive le méli-mélo médiatique. À s’y fier, nous aurions à choisir entre trois options en vue de l’élection de la nouvelle Assemblée nationale, le 30 juin. Or, si on raisonne à partir des intérêts de classe et de la nécessité de donner un nouveau souffle à la République sociale, démocratique et écologique, le choix se résume à deux blocs.
L’un d’eux, sous différentes combinaisons et combines, jusqu’à la cohabitation institutionnelle entre le macronisme et le RN/FN, défend les intérêts du grand capital.
L’autre, le Nouveau Front populaire, se place au service de l’intérêt général, du travail, de la bifurcation écologique, de la respiration démocratique, de l’égalité entre les femmes et les hommes au travail comme dans la cité, de l’antiracisme et de l’antisémitisme, et du combat pour la paix. Ces blocs ne sauraient faire oublier la masse des abstentionnistes qui composent la moitié du corps électoral, dégoûtés par la politique, les engagements non tenus, les divisions et diversions. Ils peuvent, grâce à la nouvelle offre de la gauche politique, sociale, syndicale, associative, culturelle et écologique, se mobiliser pour donner une majorité au Nouveau Front populaire, plaçant au centre des enjeux la rémunération et la souveraineté du travail et au travail.
Si la bataille est si tendue et le dénigrement des forces de gauche et de leur programme législatif si caricatural, c’est précisément parce que cette unité de qualité nouvelle déjoue les plans du fondé de pouvoir de la haute bourgeoisie qui misait sur la division à gauche pour promouvoir une « union sacrée » autour des intérêts du capital.
Pour parvenir à ses fins, le locataire de l’Élysée n’hésitera pas à construire un nouveau compromis entre un libéral-capitalisme autoritaire et le national-capitalisme, indispensable pour garantir la survie du système. Le basculement d’au moins la moitié des adhérents du parti de droite et le refus des ministres, tout comme du chef de file LR aux européennes, de dire qu’ils choisiraient de battre l’extrême droite lors du second tour, le 7 juillet, face à des candidats du Front populaire en est l’illustration.
C’est le scénario italien, où la droite berlusconienne et le parti mussolinien de Méloni gouvernent ensemble pour le libéralisme économique, l’Europe du capital et l’atlantisme.
Au cœur des contradictions d’un capitalisme en crise, force est de constater que droite, macronisme et extrême droite ont toujours les mêmes ennemis : les travailleurs, le progressisme et l’écologie. Les seaux d’eau que jette le RN/FN dans son vin ces derniers jours à la demande du grand patronat sont un indicateur fiable de cette convergence.
Évidemment, le bloc bourgeois-capitaliste n’est pas monolithique. Il se présente dans le cadre d’une compétition électorale. Mais ces apparences cachent les intérêts de classe qui les guident. La dédiabolisation de l’extrême droite, la reprise méticuleuse de ses idées, de sa grammaire, de son vocabulaire dans les lois immigration et séparatisme, le projet de revenir sur le droit du sol, la chasse aux plus pauvres traités « d’assistés », le refus d’augmenter les salaires au profit d’une baisse des cotisations ouvrant la voie à la destruction de la Sécurité sociale, la remise en cause du statut de la fonction publique, les attaques de différents niveaux contre le service public de l’audiovisuel, le mépris des syndicats et des associations, la promotion des hiérarchies naturelles, les flirts commun avec le concept de « préférence nationale », la répression des syndicalistes comme des écologistes, les campagnes contre tout mouvement d’émancipation baptisé du fumeux mot wokiste constituent leur dangereux programme commun.
Le seul bulletin de l’alternative pour tout démocrate et républicain est celui des candidats du Nouveau Front populaire. Ils doivent avoir pour garantie que la nouvelle majorité soit placée sous leur contrôle et être associés étape par étape au processus de changement. Front populaire doit être synonyme de mouvement du peuple uni pour changer la vie. C’est la condition indispensable pour faire reculer de manière nette et durable l’extrême droite.
JUIN 2024
« Ensemble construisons un nouveau Front Populaire ! »,
par Dominique BELOUGNE, Secrétaire général d’Espaces Marx Aquitaine-Bordeaux-Gironde, syndicaliste, militant associatif et politique.

Ce sont les peuples qui font l’histoire !
Une nouvelle page de notre histoire est en train de s’écrire pour le meilleur comme pour le pire. Pour le meilleur, en tout cas je l’espère, comme beaucoup d’entre vous. L’annonce des résultats des élections Européennes a été marquée pas la dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président de la République, Emmanuel Macron après une défaite conséquente de sa liste et une montée sans précédant, mais attendue du Rassemblement National.
Cette nouvelle situation politique n’est pas totalement une surprise après la colère accumulée depuis des mois, voir des années, et la morgue d’un gouvernement et d’un Président de la République continuant imperturbablement de détruire pas à pas les conquis sociaux, servant toujours plus les intérêts capitalistes, les intérêts des plus riches pendant que de plus en plus de pans de la société s’enfoncent dans la précarité, la misère, l’insécurité et la peur du lendemain…
L’affrontement entre les forces du Capital et du travail s’exacerbe !
Souvenons nous s’il en était besoin, notre peuple s’est dressé régulièrement ces dernières années pour dire stop à la casse des services publiques, à la désertification rurale, aux déserts médicaux, à l’insuffisance de logements, à la baisse du pouvoir d’achat des salaires et des retraites, aux délocalisations industrielles, à la dégradation des conditions de travail dans les entreprises et les services… La liste est longue des souffrances et des rancœurs accumulées. Il n’est donc pas surprenant qu’émerge des réponses inappropriées en temps de grave crise dans tous les domaines de la vie et que certains imaginent comme réponse l’autoritarisme, la violence, la loi du plus fort, et la guerre…
Pour autant, rien n’est écrit d’avance ! Une grande partie de notre peuple d’une part s’est encore abstenue lors de ces élections et reste mobilisable, et une autre peu réorienter sa colère si une offre politique et une volonté large et déterminée s’affirme pour de réels changements sociaux et démocratiques qui apportent des réponses urgentes et nécessaires aux besoins humains et sociaux vitaux ! Toutes et tous nous pouvons y contribuer !
Le monde du travail, la jeunesse, le monde de la culture et de la création se mettent en mouvement !
L’histoire est en marche, contribuons à l’écrire, dans la tradition des meilleurs moments de création d’un monde plus juste, plus humain, dans la tradition progressiste et humaniste de notre peuple, un monde Paix et de progrès social !
Construisons ce nouveau Front Populaire pour un monde meilleur et des jours plus heureux!
J’écrivais ces jours derniers les mots suivants : « …contribuer à la construction d’un nouveau rassemblement populaire majoritaire où toutes les sensibilités seront respectées et à égalité de droits et de devoirs, dans le respect mutuel, sans insultes et sans invectives, dans la confrontation des points de vue et des propositions, sans volonté d’écraser ses partenaires ! Vers un nouveau Front Populaire ! Aidons notre peuple à écrire une nouvelle page de son histoire, une page de progrès humain, de justice sociale, d’émancipation, de Paix et de solidarité, de coopération en Europe et dans le monde ! »
Nous y sommes !
Dominique BELOUGNE, Le 12 Juin 2024
MAI 2024
« Souveraineté ! »,
par Patrick LE HYARIC, homme politique et journaliste français, ancien parlementaire européen, Le 6 mai 2024

! Voici un mot qui, il n’y a pas si longtemps, était quasiment banni du
vocabulaire politique. Quiconque s’aventurait à l’employer était
immédiatement taxé de souverainiste ou de nationaliste. Et voici qu’il
revient en force dans les discours des droites anciennes et macronistes.
À tout propos, ce concept est désormais utilisé pour cacher une réalité
qui s’y oppose : au plus fort de la pandémie de Covid-19, la
souveraineté sanitaire camouflait la pénurie de masques, de médicaments,
et notre dépendance vis-à-vis d’un vaccin importé des États-Unis. La
souveraineté énergétique cache notre dépendance au pétrole et au gaz
russe hier, américain et des pétromonarchies aujourd’hui. Et comment
oser brandir la souveraineté quand les géants du numérique
nord-américains ont acquis tant de pouvoir sur nos vies, sur l’économie
et les équipements militaires ? De quelle souveraineté parle-t-on quand
les fonds financiers gèrent les dettes des pays ? Comment se vanter
d’attirer tant les capitaux étrangers à coup d’aides publiques et parler
de souveraineté ? L’utilisation de cette notion par les tenants du
pouvoir ne sert donc que de paravent pour tenter de rassurer la majorité
de nos concitoyens qui ont compris que la mondialisation capitaliste
n’est pas « heureuse ». Du même coup, le pouvoir tente de parler aux
électeurs et aux électrices d’extrême droite à qui on fait confondre
souverainisme, nationalisme et souveraineté populaire ou nationale.
Ainsi, pour camoufler les désastres du « marché ouvert où la concurrence
est libre » avec son cortège de désagrégation du tissu industriel et
agricole, les cabinets de conseil auprès du pouvoir ont prescrit
d’ajouter le mot « souveraineté » à la fin de l’intitulé des ministères.
Nous avons désormais le « ministère de l’Économie et des Finances et de
la souveraineté industrielle et numérique » ; le ministère de
l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire ». Comme toujours dans
la propagande des fondés de pouvoir du capital, il y a les mots et les
faits. En vérité, il ne peut y avoir de souveraineté agricole ou
alimentaire dans la fuite en avant productiviste et la division
internationale du travail. Celle-ci conduit à intensifier certaines
productions destinées à l’exportation impliquant d’accepter en retour
des importations de bovins, d’ovins, de volaille, de fruits et légumes
qui affaiblissent la souveraineté alimentaire.La souveraineté
parlementaire est sans cesse bafouée par un gouvernement qui légifère en
force, à coup d’alinéa 49.3 de la constitution. La souveraineté
populaire est piétinée quand le pouvoir refuse de tenir compte des
puissants mouvements sociaux, tel celui du rejet de la contre-réforme
des retraites. La souveraineté démocratique est bâillonnée quand le
rejet majoritaire du Traité de Lisbonne est nié. Ce traité qui,
précisément, fait de l’Union européenne une personnalité juridique lui
permettant d’avoir une vie propre dans le domaine du commerce
international, notamment en signant des traités de libre-échange.
Soumettre notre pays, par exemple, au traité avec le Canada ne suffisait
pas au pouvoir. Ce dernier bafoue la souveraineté parlementaire en
refusant de le mettre en débat à l’Assemblée nationale suite à son rejet
au Sénat, à l’initiative des communistes. Voici que le président de la
République en appelle à « une souveraineté européenne ». Or, ce concept
n’est pas inscrit dans les traités européens qui fondent l’Union
européenne. Par contre, dans notre république, « la souveraineté
appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par voie de
référendum ». Il convient donc d’être vigilant et de bien mesurer ce
qu’implique cette conception continentale et supranationale de la
souveraineté. Cette idée vise surtout à soutenir les bourgeoisies
européennes dans la guerre économique entre grandes puissances au lieu
de rechercher des espaces de coopérations pour affronter les grands
défis auxquels est confrontée l’humanité, qu’ils s’agissent du climat et
de la biodiversité, du combat contre les inégalités et des sécurités
sociale, alimentaire ou sanitaire. Une compétition intra-capitaliste se
déployant dans le cadre d’une plus grande militarisation. C’est donc en
toute logique que M. Macron et la présidente de la Commission européenne
défendent bec et ongles l’indépendance de la banque centrale européenne
(BCE), insistent tant sur la constitution d’une défense européenne et
appellent à la production d’armes en commun. Cette « défense européenne,
conçue comme un pilier de l’OTAN, dirigé par les généraux américains
est loin de la possibilité des Etats, et même des institutions
européennes de faire prévaloir une quelconque souveraineté.
L’augmentation de la fabrication d’armes est une demande des États-Unis.
Elle servira une fraction importante du capitalisme français à défaut
d’autres projets industriels utiles. Voici qu’on nous parle du partage
de l’arme nucléaire et du partage du siège de la France au Conseil de
sécurité de l’ONU. Un effacement à grands pas de la souveraineté de la
France sur la scène internationale ! Le prétendu « souverainisme
européen » cache en vérité le renforcement de l’atlantisme au moment où
la part de l’occident capitaliste dans la production de richesses
recule. Cette notion macronienne se dilue dans la quête de puissance et
non de l’indépendance et de la maîtrise des choix par un peuple
souverain. Et pour cause. Il n’existe pas de peuple européen constitué.
Il n’y a donc pas de « nation européenne ». Il y a bien une
contradiction entre les discours de politique générale des
gouvernements*, l’intitulé de ministères affichant le mot «
souverainisme » et la promotion par ailleurs d’un « souverainisme
européen ». Il s’agit en façade de complaire à l’extrême droite tout en
poussant encore plus loin l’intégration européenne sous l’égide d’un
gouvernement européen. Ce projet cache donc celui d’une Europe fédérale
dont les centres de décisions seraient encore plus éloignés des peuples,
de moins en moins souverains. Le seul moyen d’avancer à la fois vers le
progrès social et démocratique est de changer les orientations
fondamentales de la construction européenne où la commission veut jouer
le rôle d’un gouvernement. En effet, elle dispose du monopole de
l’initiative des textes (directives et règlements) qui régissent le
droit de l’union tout en étant le pouvoir exécutif de lois qu’elle a
elle-même initiée sur demande du Conseil européen. Elle a même le
privilège de pouvoir sanctionner les États membres. Faire vivre la
souveraineté populaire est un enjeu de haute importance, consubstantiel à
la la démocratie et à un nouveau projet européen décidé par les peuples
souverains. C’est l’engagement d’un processus de construction d’une
union des nations et des peuples souverains, libres, associés et
solidaires. Au sein d’une telle union, les États et les peuples
choisiraient librement de partager des souverainetés et des coopérations
en vue de projets communs pour des progrès sociaux et environnementaux.
Une construction européenne qui ne se soumettrait pas aux oligarchies
et ferait du travailleur un souverain dans l’ordre économique. Alors, au
sein de cette union nouvelle de nations et de Peuples Solidaires, se
conjugueraient la souveraineté populaire et la souveraineté des
travailleurs sur la production et les richesses afin de permettre des
avancées sociales pour toutes et tous : l’augmentation des rémunérations
et des protections sociales, le recul des inégalités et des
dominations, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, des
coopérations nouvelles avec les pays du sud, des actions pour la paix et
des progrès écologiques. Une telle souveraineté devrait s’exercer aussi
sur la création monétaire de la banque centrale et son utilisation
favorable à un immense développement sur tout le continent, de services
publics, accessibles à toutes et tous, démocratisés pour permettre
l’accès à la santé, aux transports, à la formation, au logement de haute
qualité environnementale, à l’alimentation, à une nouvelle politique de
l’énergie qui ne serait plus une marchandise. Des services publics
accessibles, c’est la possibilité d’améliorer le pouvoir d’achat
populaire. À l’opposé des projets des droites et des extrêmes droites,
le vote communiste donne de la force à toutes celles et ceux qui
souhaitent arracher la construction européenne aux classes dominantes et
aux castes capitalistes pour en faire, par la souveraineté des
travailleurs européens unis, un projet nouveau, par et pour toutes et
tous.Patrick Le Hyaric, 6 mai 2024 * Les premiers ministres E.
Borne et G. Attal ont utilisé le mot 37 fois dans leur discours de
politique générale, soit bien plus que tous leurs prédécesseurs réunis.https://patrick-le-hyaric.fr/souverainete/
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AVRIL 2024
« Dans quel monde vivons-nous ?… »,
Par Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen

« Dans quel monde vivons-nous lorsque les gens ne peuvent pas se procurer de la nourriture et de l’eau ? » s’indignait il y a quelques jours le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à propos de la situation à Gaza, « devenue une zone de mort ». « Dans quel monde vivons-nous, a-t-il poursuivi, lorsque le personnel de santé risque d’être bombardé (…), que les hôpitaux doivent fermer parce qu’il n’y a plus d’électricité ou de médicaments (…) et qu’ils sont la cible des militaires… » Depuis ce cri d’alarme, le seuil des 30 000 victimes, très majoritairement civiles, a été franchi ; une insupportable tragédie s’est ajoutée au bilan effroyable de cette guerre lorsque, durant une distribution d’aide alimentaire, des soldats israéliens ont ouvert le feu car « ils se sentaient menacés » ; et Netanyahou a annoncé le lancement prochain d’une offensive terrestre sur la ville de Rafah, où sont massées 1,5 million de personnes…
Jusqu’à quelle extrémité le pouvoir et l’armée d’Israël devront-ils pousser leurs crimes de guerre pour que cessent à leur égard l’indulgence, la complaisance et la complicité des principaux dirigeants politiques occidentaux ? Que pèsent, en effet, les quelques protestations verbales de la France après le dernier carnage, ou bien la demande, par l’Allemagne, « que l’armée (sic) israélienne mène une enquête complète » à son sujet, ou encore les bons sentiments de la présidente de la Commission européenne, qui se dit « profondément troublée par les images » du désastre, quand l’Union européenne continue de refuser ne serait-ce que la suspension de l’accord d’association très avancé qui lie l’Europe à Israël et que tant Berlin que Paris continuent de livrer des armes à Tel-Aviv ! Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, s’est même permis de se référer à… la charte des Nations unies pour justifier la vente « d’équipements militaires à Israël afin de lui permettre d’assurer sa défense » (fin janvier 2024, dans une déclaration à Mediapart) ! Et que dire du « chef du monde libre » qui, non content d’avoir, le 20 février dernier, usé, pour la troisième fois, de son veto pour repousser une résolution du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, fournit à son allié inconditionnel tous les armements et les renseignements dont il a besoin pour poursuivre la pire guerre de son règne sanglant ! Rappelons enfin que toutes ces livraisons d’armes contredisent frontalement l’obligation faite à tout État membre de l’ONU – à la suite de l’arrêt de la Cour internationale de justice, le 26 janvier – d’agir pour prévenir le risque qu’un génocide se produise à Gaza.
« Dans quel monde vivons-nous ? » : l’interpellation du directeur général de l’OMS pourrait s’appliquer tout autant à l’abominable guerre russe en Ukraine comme aux menaces nucléaires que vient à nouveau de brandir Poutine. Comme en Palestine, la solidarité envers le peuple agressé s’impose et toute complicité avec l’agresseur est intolérable. Et, pas plus qu’en Palestine, il n’y a à rechercher de solution au conflit dans une « victoire » militaire d’un camp sur l’autre, et encore moins dans une fuite en avant militaire au risque d’un embrasement du continent. Il est consternant que le président de la République – aveuglé par sa soif de « leadership » international ou prêt à instrumentaliser la tragédie ukrainienne à des fins de politique intérieure ? – ait pu déclarer qu’il ne fallait « pas exclure » d’envoyer des troupes combattre les Russes en Ukraine ! Dans quel monde vivons-nous ? Un monde dangereux qui a un besoin vital d’esprit de responsabilité, de vision à long terme et, dans l’immédiat, tant en Palestine qu’en Ukraine, de cessez-le-feu durables !
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MARS 2024

Éditorial du mois de Mars :
« TRADUCTION : I.A, hi-han »,
par Vincent TACONET, Vice-Président d’Espaces Marx Aquitaine, Professeur de Lettres Classiques
« Traduttore, traditore »: est-ce que les artifices de l’intelligence numérique trouveraient mieux comme traduction que « traducteur, traitre » ? Cette expression connue, pleine de bon sens n’oppose guère de difficultés à être transposée, rendue, traduite en français.
De là à rendre obsolètes (mot juridique devenu courant depuis les années quatre vingt) les traducteurs et les traductrices il y a un pas, ou plutôt un gouffre.
Qu’on en juge, puisque nous savons depuis Descartes que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Si traduire suppose trahir, ce qui nous semble incontestable, cette trahison est, comme le « mensonge vrai » pratiqué par les artistes selon Aragon, une trahison créative, rendue possible par une fréquentation assidue, intelligente, questionnante. Celle ou celui qui, jouant le rôle de passeur, permet au lecteur ou à la lectrice de découvrir toutes les subtilités d’une langue étrangère pourtant hors d’atteinte, est irremplaçable. Pouvoir entrer dans l’univers intérieur, littéraire et culturel d’un auteur étranger, un univers fondé sur la connaissance d’une langue dont on ignore tout ou un peu, est le cadeau offert par une traduction. Mais pas n’importe laquelle. La preuve en est que, (laissons de côté les raisons commerciales) comme les exigences de langues évoluent avec le temps, les changements, la société, elles imposent aussi une ou de nouvelles traductions, de nouvelles « trahisons » permettant seules la fidélité créative à l’oeuvre originelle. Pensons à l’écart quasi abyssal entre la traduction en français des pièces de Shakespeare au XIXe par un François-Victor Hugo (le fils), et dans la 2e moitié du XXe par Jean-Michel Déprats, par exemple bien choisi. Leur qualité de traducteurs n’est pas en cause, loin de là. Mais cet écart, historique, rappelle utilement que nous vivons dans un monde en mouvement car le temps passe, et les langues (échine fort souple !) changent comme le reste, malgré nos illusions, semblables à celles des roses de Fontenelle : « Nous avons toujours vu le même jardinier, de mémoire de rose on n’a vu que lui, il a toujours été fait comme il est, assurément il ne meurt point, comme nous».
Allons plus loin, avec deux expériences, témoignant de rapports créatifs entre traducteurs et auteurs. Nous commencerons par la plus ancienne.
On ne reprochera à personne d’ignorer l’existence du poète hongrois (forte présence poétique de ce pays au siècle précédent !) Gyula ILLYES. Il a été l’heureux objet d’une expérience peu commune. Sa monographie est parue dans la célèbre collection des poètes d’aujourd’hui (Pierre Seghers éditeur-1966- N°145). Dans le choix de textes de Gyula Illyes on assiste à une expérience de traductions hors du commun et défiant sans aucun doute les capacités des actuelles (et à venir) machines numériques. Les auteurs de l’ouvrage ont fait appel à des traducteurs du hongrois au français (une trentaine), mais ils ont confié l’adaptation poétique de ces traductions à des poètes français dont on connait encore certains: Pierre Seghers, Jean Follain, Guillevic, Jean Rousselot, Jean Lescure… Les auteurs de l’ouvrage signalent qu’un des poèmes, Une phrase sur la tyrannie (et son titre en donne en partie les raisons !) « a été traduit plusieurs fois en français » (p.163). On ne doute pas que les approches diverses de la notion de tyrannie entre 1952, date de la composition du poème, et 1966 (10 ans après 1956!) en Hongrie et en France aient pu modifier ou même altérer la traduction…Mais pour revenir sur l’expérience de la double traduction, avec échanges entre poètes et traducteurs, aboutissant à la traduction poétique française, elle rend compte (les résultats sont là!) des possibilités d’une traduction aussi créative que respectueuse du texte initial, colorée par la « personnalité » de tel ou tel poète.
Nous empruntons la suite de notre réflexion à une démarche plus récente et tout aussi « parlante ».
Le grand poète écrivain occitan Bernard Manciet, dont on fête en cette année 2023, sans lui, le centenaire de la naissance, a mis à mal préventivement et à mon sens définitivement la pseudo-invention d’une traduction par une machine si performante, si perfectionnée (et non intelligente!) soit-elle. Selon son ami, professeur d’occitan, éditeur et traducteur Guy Latry, Bernard Manciet a surpris plus d’un occitaniste lorsqu’il a traduit (souvent) ses propres œuvres d’un occitan qu’il domine en majesté à un français qu’il maîtrise souverainement… Manciet trahit son occitan et son œuvre initiale ! Il écrit même, née et proche de l’ancienne, une nouvelle œuvre dans une autre langue.« Moi qui moi-même me trahis » écrivait le poète Aragon, féru de langues étrangères, et fort reconnaissant aux grands poètes de langue d’oc…
Où reléguer, au cœur de cette incessante problématique de la traduction, celle qui se fait appeler par complaisance idéologique (encore dominante!) « intelligence artificielle » ? Certainement loin, au loin, malgré d’immenses progrès accomplis ou à venir, n’en doutons pas.
Mais le transfert rapide d’une langue à l’autre n’est pas la traduction prenant en compte les deux rives (langues, sociétés et cultures comprises) de deux langues ou davantage. Allusions, références, rythme, images, équivalences, nuances, tels sont le travail, la souffrance, les plaisirs propres à l’humaine traduction et à ce cadeau offert à des lectrices et des lecteurs usant d’une langue n’étant pas celle du texte ou du discours originels. Il y a des mots, des images, une syntaxe que seule l’approche d’une traductrice ou d’un traducteur peut, comme on dit, « rendre », transmettre.
C’est un métier, à défendre parce qu’utile, indispensable, facteur de paix et d’échanges.
Rien ne vaut le texte original… sinon une traduction exceptionnelle, fidèle, dévouée, infidèle, inventive, dans une démarche à tout prendre dialectique.
Vincent Taconet
Post-scriptum :
L’auteur du plus grand nombre de poèmes, comme chacun le sait, ou devrait le savoir, est Raymond Queneau : il a écrit, en bon mathématicien, Cent mille milliards de poèmes, plus exactement de sonnets. Il en précise le Mode d’emploi et indique que ce nombre, « quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre)».
Il s’agit de 10 sonnets (dont la combinaison des vers aboutit mathématiquement à … cent mille milliards de poèmes :10 à la puissance 14, nombre de vers d’UN sonnet). Il est sans doute possible de confier à la plus performante machine numérique la production, pour la rendre visuellement accessible, de ces cent mille milliards de sonnets…
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FEVRIER 2024
L’éditorial du mois : « La crise agricole pose la question de la transformation de la société »
Par Patrick Le Hyaric, député européen de 2009 à 2019, ancien directeur de l’Humanité.
Le 1er Février 2024, Journal L’Humanité.

Abaisser la part du budget des ménages consacré à l’alimentation pour ne pas relever les salaires ouvriers est une vieille stratégie du capitalisme. Pour cela, la rémunération du travail paysan est sans cesse écrasée, tandis que les salaires et les retraites sont pressurés. Cela tisse un lien ténu entre travailleurs-paysans et salariés.
Le pillage du travail paysan se fait par les deux bouts. D’un côté, les industries d’amont, fournisseuses de l’agriculture, de plus en plus concentrées (machines, engrais, phytosanitaires), vendent leurs produits de plus en plus cher. De l’autre, les secteurs d’aval de la production (industries de la collecte, de la transformation et la grande distribution) achètent au prix le plus bas possible, dès lors qu’à leur demande, tous les mécanismes de régulation des prix à la production ont été démantelés.
Puis, les banques prélèvent leur dîme grâce à l’endettement des paysans. En ce sens, toutes les dérégulations libérales ont tenu leurs sordides promesses. Les réformes successives de la politique agricole commune, de la création de l’organisation du commerce et les 40 traités dits de libre-échange signés par l’Union européenne ont fait de la matière première agricole une marchandise comme une autre, alors qu’il s’agit d’un bien commun ouvrant la possibilité au droit fondamental à l’alimentation pour toutes et tous.
Au nom de l’intérêt général et de la nature
L’insertion de la production agricole dans le capitalisme mondialisé conduit à compenser les pertes de revenu par des augmentations de production au prix de l’épuisement des travailleurs-paysans et de la nature. Nous atteignons aujourd’hui les limites de cette course à la productivité. C’est ce qui conduit le capital à chercher des technologies permettant de se passer du travail paysan et de la terre, en inventant des viandes de synthèse, du lait artificiel et la culture industrielle d’insectes, sous la baguette des grandes firmes nord-américaines et israéliennes.
Il ne suffira pas de quelques sparadraps pour « calmer la colère ». Tout le système doit être transformé au nom de l’intérêt général et de la nature. L’heure est à inventer un nouveau projet de développement agricole et alimentaire pour les êtres humains et la nature. Cela nécessite un grand débat démocratique associant paysans-travailleurs, citoyens-consommateurs, chercheurs et scientifiques, élus locaux, associations et coopératives, travailleurs des industries agroalimentaires.
Un projet mariant rémunération correcte du travail, préservation de l’environnement et droit à l’alimentation. Le savoir-faire paysan, combiné à l’utilisation de la photosynthèse, à la rotation des cultures, à la valorisation des diversités variétale et animale, peut permettre d’utiliser moins d’engrais et de produits phytosanitaires et d’améliorer ainsi la fertilité des sols et les rendements.
Un statut du travailleur-paysan
Le travail peut être rémunéré grâce à des prix de base intra-européens, pour une quantité donnée de production négociée avec les organisations professionnelles. Des offices nationaux et européen par production permettraient de mettre en place de nouveaux mécanismes de régulation pour des prix stables. Un statut du travailleur-paysan viserait à intégrer dans la rémunération l’ensemble des fonctions du travail agricole pour la préservation de la biodiversité, la qualité alimentaire ou la santé. C’est l’intérêt des agriculteurs, eux-mêmes victimes des pertes de biodiversité et des modifications climatiques.
La « clause de sauvegarde sanitaire » de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) doit être activée, dès lors que des importations de produits alimentaires ne respectent pas les « normes » environnementales en vigueur dans l’Union européenne et en France. Celle-ci permet de suspendre durant au moins quatre ans des produits agricoles importés traités avec des substances interdites sur notre sol. Une exception agricole dans les négociations internationales doit être instituée.
La grande industrie phytosanitaire ou vétérinaire doit être impliquée dans la recherche de méthodes de soins aux cultures et aux animaux compatibles avec le progrès écologique en donnant aux travailleurs de ces industries la souveraineté sur la production en lien avec la recherche publique. On ne peut accompagner un grand plan d’installation de jeunes agriculteurs sur des fermes à taille humaine et organiser une bifurcation écologique associant tous les intéressés sans annuler la dette des petits et moyens paysans et sans utiliser la création monétaire de la Banque centrale européenne pour un grand projet alimentaire et de santé d’intérêt général.
Droit à l’alimentation et rémunération du travail agricole dans le cadre d’un nouveau projet agroécologique jusqu’à une sécurité sociale de l’alimentation appellent à ouvrir les chemins communs pour un processus communiste du vivant.
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JANVIER 2024
L’éditorial du mois : « Donner du sens à notre vie et à nos engagements » par Dominique BELOUGNE, Décembre 2023.

Nous venons de vivre avec les 16émes rencontres « Actualité de Marx et nouvelles pensées critiques » de décembre 2023, encore une fois une aventure intellectuelle et humaine extraordinaire. Durant six jours, des universitaires de nombreuses disciplines, historiens, philosophes, sociologues, économistes, littéraires, mathématiciens, physiciens, juristes, sciences de l’éducation,… des militants politiques, associatifs, syndicalistes, des simples citoyens,… aux engagements et sensibilités diverses communistes, socialistes, insoumis, écologistes, anarchistes, libertaires,… ont acceptés de se rencontrer et de confronter leurs points de vue à partir de questionnements qui traversent notre vie, notre société, notre monde.
A quoi cela sert-il ? Il faut le demander à celles et ceux qui depuis seize ans maintenant, et ils sont plusieurs centaines qui répondent à l’invitation de notre association à participer à ces échanges et qui nous proposent leurs visions du monde, leurs analyses et leurs représentations, leurs lectures des soubresauts, des crises, des difficultés, des avancées, des transformations, des régressions, que nous vivons toutes et tous, mais pas forcément de la même manière.
Dans notre démarche, nulle recherche d’une vérité absolue, définitive, mais au contraire un va et vient régulier entre nos expériences singulières, nos expériences individuelles et collectives et les enseignements que nous en tirons et que nous restituons pour s’il en était besoin, donner du sens à notre vie et à ces expériences, à nos engagements si nous en avons, contribuer d’une certaine façon à la transformation de notre société, à ses évolutions, à la construction de nouveaux rapports entre nous, entre disciplines, entre différentes formes d’engagements, de militantismes, entre courants politiques, syndicaux, associatifs… participer à construire un universel humain qui se nourrit en permanence des expériences et cultures singulières, particulières,…
Nous sommes nombreuses et nombreux à ressentir douloureusement et à être effrayés par ce que nous vivons, avec souvent le sentiment que nous n’avançons pas et que nous nous heurtons à des murs infranchissables et à l’impossibilité de réaliser nos attentes, nos aspirations à vivre mieux, dans un monde plus juste, libéré de toutes formes d’exploitation, de domination, dans un monde où chaque individu pourrait se réaliser, mettre en œuvre pleinement ses potentialités, contribuer au bien commun sans porter atteinte aux autres.
La violence de ce monde en crises multiples qui bouleversent et qui fracturent nos sociétés, nos peuples, nos pays, nos cultures, nos représentations, nos mœurs, nos habitudes fragilisent nos « certitudes », remettent en cause nos savoirs, les compromis sociaux, la compréhension que nous avons du monde, et les règles du jeu humaines, sociales, politiques, culturelles que nous pensions acquises durablement.
Tout devient fragile, éphémère, instable, « dangereux », inaccessible, incompréhensible et conduit souvent au repliement sur soi, sur la famille quand elle existe encore, sur des certitudes dogmatiques, sur des pensées « sures », des repères « forts », des comportements « sécuritaires », des spiritualités rassurantes…
Devant l’inconnu, l’incompréhensible, la peur surgit et la recherche de sécurité s’exacerbe avec son cortège d’avatars et de risques, de cauchemars supposés ou réels. Devant l’absence de lumière de la compréhension et de la connaissance, d’expériences qui éclairent le quotidien et l’avenir, la nuit est là avec ses démons qui surgissent et qui ne peuvent disparaitre tant que des petites lumières viennent nous rassurer. Cela alimente souvent la résignation, le désengagement, le sentiment d’impuissance, l’abstention,…
A ce point de mes réflexions, il est peut-être utile de revenir à ce qui m’a conduit à écrire ces quelques lignes. J’ai le sentiment confus que nous vivons une période riche à la fois de possibilités nouvelles vers le progrès de l’humanité, mais aussi de grands dangers potentiels, et qu’il est important d’éclairer en même temps les deux versants de cette période, de cette même réalité que nous vivons, en essayant de mieux percevoir ce que sont les crises, moments d’affrontements entre les possibilités nouvelles qui émergent de vivre autrement et les cristallisations anciennes du passé qui freinent l’accouchement de ce nouveau.
Car à trop vouloir montrer « seulement » la noirceur du monde, ce que tout le monde vit, sans éclairer les causes de cette noirceur et surtout en même temps les moyens de faire autrement, et les chemins souvent fragile pour en sortir, on alimente souvent sans le vouloir ce qui nourrit le sentiment d’impuissance et la résignation. Éclairer les possibles, c’est permettre à chacune et chacun de pouvoir faire des choix conscients et réfléchis, de se rassurer, pour éviter à l’extrême, la folie et la mort prématurée, ou le passage à l’acte sous des formes violentes et souvent incontrôlées, formes qui peuvent être individuelles ou collectives.
Bègles, décembre 2023
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JUIN 2023
L’éditorial du mois :
Le mépris de classe pour ceux qui ne valent rien : Le dernier livre de Michel Husson

« Le livre posthume de Michel Husson, qui nous a quittés il y a près de deux ans, est étourdissant et stupéfiant. Dans Portrait du pauvre en habit de vaurien, Eugénisme et darwinisme social (Lausanne, Paris, Page 2, Syllepse, 2023), il propose une histoire des idéologies qui entourent, depuis deux siècles et demi de capitalisme, l’existence des pauvres, des surnuméraires, des inutiles au monde. Ce livre est étourdissant par la somme documentaire explorée par l’auteur, toujours référencée avec précision. Il est stupéfiant aussi par l’étendue des informations révélant les dits et écrits des plus grandes notoriétés de la pensée économique et politique, souvent ignorés, et exhumés par Michel Husson pour montrer d’une part que l’idéologie se pare de vertus scientifiques qu’elle n’a pas, et d’autre part qu’elle traverse toute l’histoire jusqu’à nos jours. »[…] Jean-Marie HARRIBEY, économiste, le 28/5/2023
https://blogs.alternatives-economiques.fr/harribey
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MARS 2023
L’éditorial du mois : « QUI A PEUR DU PLAN DE PAIX DE LA CHINE ? » par Francis WURTZ, le 2 mars 2023, député européen, (1979 – 2009), spécialiste des questions internationales et notamment européennes |

Joe Biden ne voyant dans le plan de paix de la Chine rien « qui puisse bénéficier à qui que ce soit d’autre que la Russie », ses alliés européens ont fidèlement repris la même antienne : pour M. Stoltenberg, Secrétaire général de l’OTAN, « la Chine n’est pas très crédible », tandis que pour Mme Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, il s’agit d’examiner les positions de Pékin « en tenant compte du fait que la Chine a pris parti » pour Moscou. Quant au Chancelier allemand, Scholz, il a conseillé à ses pairs de « nous faire aucune illusion sur la Chine »…Le porte-parole du Secrétaire général des Nations-Unies a eu beau souligner que le document publié par la Chine constituait une « importante contribution » en insistant notamment sur le fait que « l’appel sur la nécessité d’éviter l’utilisation de l’arme nucléaire (était) particulièrement important », rien n’y fit.Même la tonalité inattendue de la réaction du Président Zelensky, jugeant « très positif que la Chine envoie certains signaux » et affirmant qu’il était « dans l’intérêt de l’Ukraine d’avoir une réunion avec la Chine » n’ a pas suffi à amener les dirigeants européens à déroger à leur docilité moutonnière à l’égard de Washington.Au royaume des aveugles, les borgnes étant rois, Emmanuel Macron passerait presque , dans ce contexte affligeant, pour courageux ! Tout cela pour avoir « osé » convenir d’une évidence en soulignant que « le fait que la Chine s’engage dans des efforts de paix est tout à fait bon » et en annonçant un prochain voyage à Pékin pour amorcer « le temps de la reconnexion ». À suivre…Rappelons quelques points forts de la Déclaration chinoise : « Respecter la souveraineté de tous les pays »; prendre au sérieux « les intérêts et préoccupations sécuritaires des différents pays »; « cesser les hostilités (et ) promouvoir progressivement la désescalade; lancer des pourparlers de paix »; « accroître les aides humanitaires »; « protéger effectivement les civils et les prisonniers de guerre »; « préserver la sécurité des centrales nucléaires »; « s’opposer à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires (comme) à la recherche, au développement et à l’utilisation des armes chimiques et biologiques par quelque pays que ce soit, dans quelques circonstances que ce soit »; « faciliter l’exportation des céréales »…Beaucoup de ces positions rejoignent celles de l’Ukraine et pourraient s’avérer de précieux points d’appui pour faire pression sur la Russie -à commencer par l’exigence de « respect de la souveraineté » (La Chine n’a d’ailleurs jamais reconnu l’annexion de la Crimée par Moscou). D’autres propositions répondent aux demandes de longue date de la Russie -en particulier la prise en considération de ses enjeux de sécurité, autrement dit l’arrêt de l’extension de l’OTAN. N’est-ce pas le propre d’un règlement politique -et la condition sine qua non d’une paix durable- de chercher à répondre aux intérêts légitimes des différentes parties en conflit ?Ceux qui attendent comme seule issue la capitulation sans condition de Moscou veulent-ils vraiment la paix ?A l’inverse, qui veut vraiment arrêter -à temps- l’insupportable massacre devrait se saisir sérieusement de la chance que représenterait une médiation chinoise .https://franciswurtz.net/ |
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JANVIER 2023
L’éditorial du mois : « Citoyen de l’Universel » par Jean-Marie MATISSON, Novembre 2022.

Le juif est le baromètre de l’histoire comme la femme est le baromètre de la laïcité. S’en prendre à eux, c’est s’en prendre à l’humanité.
L’humanité se définit malheureusement par ce qu’elle connaît de pire, le crime de masse qui inclut le crime contre l’Humanité et le crime de guerre. Citoyen de l’universel, cela va au-delà de citoyen du monde, car le cadre qu’il définit est tout à la fois géographique et politique. L’esclave qui lutte pour se libérer de ses chaînes ne le fait pas pour soumettre son maître il le fait pour mettre fin à L’esclavage c’est en ça qu’il combat pour l’universel. La femme iranienne qui combat contre le port du voile ne le fait pas pour affirmer sa domination à son tour elle le fait pour libérer toutes les femmes. Le combat pour le respect des femmes et des enfants touche à l’universel. La Laïcité, c’est simple, inutile de lui coller un adjectif, elle vise l’intérêt général et non des intérêts particuliers, elle est un principe de stricte égalité des citoyens quoi que soient leurs origines, elle est une philosophie basée sur les droits de l’homme et du citoyen. Affirmer cela et défendre la laïcité, touche à l’universel .
C’EST UN COMBAT POUR L’UNIVERSALISME. ON NE PEUT PAS ÊTRE CITOYEN DE L’UNIVERSEL ET COMMUNAUTARISTE, ÊTRE CITOYEN DE L’UNIVERSEL A UN SENS.
J’ai la « chance » d’être membre de la première famille qui a révélé l’affaire Papon et je suis le dernier membre du groupe des parties civiles encore en vie. C’est grâce à nous que Papon a été condamné pour crime contre l’humanité. Sans nous, l’État français n’aurait jamais été condamné pour son rôle dans la déportation des Juifs de France. Il s’agit bien du dernier gouvernement fasciste de France qui a été condamné grâce à nous. Ce n’est pas innocent de dire cela aujourd’hui quand on voit le score d’un parti fasciste au second tour des présidentielles.
*Jean-Marie Matisson participera à un cycle de conférence le Vendredi 13 Janvier 2023 à Périgueux en Dordogne.
http://procespaponquandlarepubliquejugevichy.org/
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OCTOBRE 202
L’éditorial du mois : « Vecteur de reconnaissance des êtres humains, le travail est prisonnier du capitalisme. Aujourd’hui, il s’agit de sortir de cette société du profit. » par Daniel Bachet Professeur émérite à l’université d’Évry-Paris-Saclay. Mardi 27 Septembre, Journal l’Humanité.

Le travail engage la reconnaissance sociale et psychique, ainsi que le développement des facultés humaines de tous les individus qui contribuent à la production et à la circulation des richesses (biens et services) et des connaissances. Cela concerne aussi bien les fonctionnaires, les salariés du privé, que les travailleurs indépendants dans tous les secteurs de la vie économique.Au sein du capitalisme, le travail est souvent mutilé et atomisé car il se trouve prisonnier des rouages de l’accumulation. À l’exception d’un certain nombre de Scop et de quelques rares entreprises fonctionnant sur un registre démocratique et non court-termiste, il est difficile de le soustraire à la logique productiviste afin que le travailleur devienne attentif aux effets concrets et utiles de son action sur le monde. De plus, l’organisation du travail est soumise aux changements permanents des systèmes de management et de ses modes sous les nouvelles contraintes de la financiarisation et de la numérisation des activités. Les mondes du travail sont conduits à suivre passivement des scénarios normalisés et se voient dépossédés d’une approche globale qui aurait pu leur permettre de maîtriser l’ensemble des missions qui leur ont été confiées.Retrouver l’autonomie et la capacité de décider et d’agir dans le travail suppose, certes, de changer la manière dont celui-ci est organisé et reconnu. De nombreuses études ont montré que l’autonomie dans le travail était la condition nécessaire d’une capacité forte de délibération dans le domaine politique.
« L’organisation du travail est soumise aux changements permanents des systèmes de management et de ses modes sous les nouvelles contraintes de la financiarisation et de la numérisation des activités. » Mais l’émancipation individuelle et collective que nombre d’entre nous appelons de nos vœux ne se réduit pas à l’organisation du travail au sens strict. Pour se libérer des chaînes de l’organisation du travail capitaliste, il faut changer au moins radicalement les finalités de deux institutions cardinales : les entreprises et les banques, tout comme la comptabilité classique et dominante dans laquelle sont repliés les rapports sociaux fondamentaux du capitalisme (rapport salarial, rapport monétaire et financier, rapports de propriété, etc.).Ainsi, l’une des manières décisives de remettre en cause le processus d’accumulation et d’en bloquer la reproduction passe par le dépassement du rapport capital-travail qui est le cœur du capitalisme. À cette fin, il est nécessaire, en priorité, de refonder l’entreprise (autre finalité et façon de produire), les outils comptables (façon alternative d’apprécier l’activité productive et de décider), les banques (contrôle public de la monnaie et modalités de financement) et les droits issus de la propriété, c’est-à-dire l’organisation des pouvoirs.Le projet est bien sûr de sortir de la propriété lucrative orientée profit ou rentabilité financière en vue d’assurer la maîtrise du travail par les producteurs associés au sein d’unités institutionnelles qui conçoivent, produisent et vendent les biens et/ou les services.https://www.humanite.fr/en-debat/droit-du-travail/quoi-sert-le-travail-22-765032
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SEPTEMBRE 2022
L’éditorial du mois : « Détruire la misère » (9 juillet 1849)

Par Victor HUGO à l’Assemblée Nationale. Le discours de Victor Hugo appuie la proposition d’Armand de Melun visant à constituer un comité destiné à « préparer les lois relatives à la prévoyance et à l’assistance publique ».
Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.
Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.
La misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?
Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.
Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours.
Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !
Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu !
Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour base l’ordre moral consolidé !
JUIN 2022
L’éditorial du mois :« Paradoxes du commun »

Par Marie-Claude BERGOUIGNAN, Professeur à l’Université de Bordeaux, Décembre 2021
Le commun qualifie ce qui est le fait de deux ou plusieurs personnes ou choses, ce qui est partagé avec d’autres. Une « communauté » au sens large désigne le rassemblement plutôt stable – ou tout au moins recherchant la stabilité – de membres unis par l’histoire et/ou une culture, par l’intérêt, par un pacte de citoyenneté et/ou un projet. Ainsi, l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 énonce que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune». Dans une société où, désormais, « les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », l’utilité commune indique la volonté d’abolir les privilèges de naissance, mais exprime aussi les orientations citoyennes quant à la définition de l’intérêt
général.
Aujourd’hui,on répète à l’envi que les classes sociales, qui ont représenté l’élément-clé de structuration sociale font partie du passé, à tel point que le mot lui-même a presque disparu du
vocabulaire courant. Notamment, depuis son arrivée au pouvoir en 1981, le Parti socialiste a renoncé à évoquer le concept de lutte des classes, le consensus néolibéral en évacuant la réalité.
Au-delà, la classe sociale serait relayée par les clivages et discriminations de genre, de couleur de la peau ou d’orientation sexuelle, qui monopolisent depuis quelques années l’essentiel de
notre attention1. Le présent texte vise à interroger la portée et les apories sous-jacentes d’un débat public réduit à ces nouvelles dimensions.
Renouveler l’analyse des classes ?
Pour sortir du dilemme ‘Karl Marx contre Max Weber’, compte tenu de la répugnance des individus à se situer dans une classe sociale, on peut tenter de mettre en lumière de manière pragmatique la dynamique de recomposition des structures de classe. Les catégories sociales peuvent être déterminées2 en croisant un ensemble d’indicateurs, plus ou moins faciles à
documenter : le salaire, le revenu disponible, la consommation, le patrimoine, les pratiques culturelles, le diplôme, le réseau relationnel etc.
Cette approche permet de dévoiler les carences de la représentation consensuelle d’une France composée d’une grande classe moyenne (« deux Français sur trois »), dominée par une petite élite politico-économique et en-dessous desquelles subsisterait une vaste marge « d’exclus ». En réalité, il n’existe pas de définition officielle de la classe moyenne, parfois ciblée par « la population française située entre les 30% les plus pauvres et les 20% les plus riches, soit un ensemble qui représente 50% de la population »3. Cette méthodologie reste lacunaire, bien qu’une partition en six classes permette de distinguer : les catégories pauvres, les catégories modestes, les classes moyennes inférieures, les classes moyennes supérieures, les catégories aisées, les hauts revenus. Ce qui indique en réalité qu’il y a plusieurs « classes moyennes ».
Au-delà de ces clivages, on a assisté dans le long terme à la reconstruction des frontières entre cadres et ouvriers, frontières que certains avaient supposées abolies. D’une part, en dépit de la
réduction statique de l’écart des salaires de la période dite des Trente glorieuses, sa dynamique a bondi dès le ralentissement de la croissance. Du coup, le temps de rattrapage théorique entre
salaire ouvrier et salaire des cadres qui aurait pu s’envisager en une génération, en supposerait 6 au rythme actuel… En termes de revenu disponible, alors que les années de prospérité avaient
donné lieu au rapprochement des catégories extrêmes de la répartition, depuis lors en termes relatifs, c’est la quasi-stagnation.
L’effritement de la société salariale a remis en cause les acquis et les régulations du modèle social. Il n’a pas pour autant aboli les identités de classe, temporelle et culturelle5. En termes d’homogamie, la tendance à choisir son conjoint dans un espace sociologiquement proche perdure largement, la stabilité étant observée plus que l’hybridation. Les couples d’ouvriers ou d’employés ont vu s’évaporer leurs espoirs d’ascension, sauf à percevoir un héritage ou un legs. Derrière la possession ou non d’épargne et de patrimoine s’opposent ceux qui ont accès ou non
aux vacances, aux loisirs en tous genres, au temps rendu disponible par l’appropriation du travail d’autrui, notamment par la domesticité, à la maîtrise du temps long par l’accumulation
patrimoniale. L’inégalité des chances selon l’origine sociale devant l’école est patente : elle conditionne lourdement le destin dans l’institution scolaire et au-delà dans l’emploi. En ces
termes, le fait que les dés soient pipés à la naissance, phénomène central hormis pour ceux qui en nombre restreint s’en libèrent, conforte l’imperméabilité des classes sociales. En définitive, quel que soit le nom qu’on leur donne, les classes perdurent en termes d’intérêts divergents lisibles dans les tensions voire les conflits qu’ils génèrent. […]
Le texte complet est téléchargeable :
Paradoxes du commun- Marie-Claude Bergouignan
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MAI 2022
L’éditorial du mois : « En quoi le syndicalisme est-il essentiel à la démocratie ? »
Maryse Dumas, ancienne secrétaire confédérale de la CGT (1995-2009), Journal L’Humanité du 26 Avril 2022.

Le syndicalisme permet par l’action collective de faire reculer le pouvoir unilatéral des employeurs et parfois même l’État.
La démocratie ne peut se résumer à mettre périodiquement un bulletin dans l’urne. Elle doit surtout permettre au plus grand nombre, de toutes catégories sociales, de peser sur toutes les décisions et lieux de pouvoir. C’est l’une des missions et non des moindres du syndicalisme.
Par nature, il intervient directement au cœur du système d’exploitation, là où se noue la contradiction fondamentale d’intérêts entre capital et travail qui se répercute sur toute la société. Par son implantation et sa pratique, il permet à celles et ceux que la société brime de trouver un chemin pour s’exprimer, se faire entendre et respecter. Par l’action collective, il fait reculer le pouvoir unilatéral des employeurs, voire du pouvoir politique.
Il fait entendre les réalités sociales et parvient souvent à les modifier. Ses valeurs intrinsèques sont à l’opposé du libéralisme. À la destruction des collectifs de travail et aux mises en concurrence des salariés entre eux, il oppose, en actes, la recherche de solidarités d’intérêts et de luttes. À l’obligation d’adhérer aux objectifs stratégiques de l’entreprise pour la rentabilité du capital, il oppose la valorisation du travail et l’objectif de sa transformation pour lui donner un sens d’utilité sociale au service du bien commun. Affaibli, il a du mal aujourd’hui à déployer toutes ses potentialités, et cela participe de la crise démocratique profonde que traverse notre pays.
Sur les trente dernières années, la courbe est presque parallèle entre, d’un côté, l’affaiblissement syndical, notamment là où est son essence, c’est-à-dire sur les lieux de travail, et, de l’autre, l’accentuation des phénomènes de ressentiment et de violence tous azimuts, exacerbés par les impasses auxquelles ils conduisent. Quand on se sent isolé, impuissant à changer sa situation, quand on n’est ni respecté ni entendu, on devient une proie facile pour toutes les formes de rejet de l’autre dont l’extrême droite fait son fonds de commerce.
« L’action syndicale reste un puissant levier d’émancipation collective et d’affirmation de soi. »
C’est en se ressourçant sur ses spécificités que le syndicalisme pourra le mieux se mettre à la hauteur des défis du moment. Comme le démontrent nombre de luttes récentes, l’action syndicale reste un puissant levier d’émancipation collective et d’affirmation de soi. La déployer au maximum, notamment dans les catégories les plus malmenées par le libéralisme, est un objectif majeur. Offrir à chacune et à chacun la possibilité de s’exprimer, de débattre, de se confronter avec d’autres avant de décider collectivement est la condition d’une inversion des rapports de forces à tous les niveaux.
Rien ne peut remplacer l’expérience de la construction de luttes collectives par les salariés eux-mêmes sur leurs lieux de travail, pour faire évoluer leurs conditions de travail et d’existence. C’est le point de départ, incontournable, pour vivifier des luttes d’ensemble aux objectifs plus vastes. C’est une condition essentielle de démocratie.
MARS 2022
L’éditorial du mois : « La paix comme projet politique pour les peuples »,
Publié le Vendredi 25 Février 2022 dans l’Humanité Magazine par Fabien Gay

Fabien originaire de Gironde, est actuellement le nouveau Directeur du journal l’Humanité, et sénateur.
Après plusieurs semaines de tensions, ce que nous redoutions est arrivé. L’armée russe est entrée en territoire ukrainien sous des raisons fallacieuses et illégitimes. Les armes ont donc parlé et, avec elles, la guerre. La guerre qui détruit les vies et ouvre des plaies qui ne se referment jamais. La guerre est là, en Europe, près de chez nous, encore plus présente et visible dans notre société de l’information en continu. On peut évidemment déplorer une escalade progressive des tensions, trouver une filiation historique à un ensemble de promesses non tenues et des accords de Minsk non appliqués, qui ont alimenté rancœurs, méfiances, haines et coups de force.
Néanmoins, Vladimir Poutine et son gouvernement sont les uniques responsables car ils ont décidé de porter leur pays dans une œuvre criminelle et destructrice. C’est le peuple ukrainien qui va en payer le plus lourd tribut dans l’immédiat. D’ailleurs, l’Ukraine se relèvera-t-elle de ces dépeçages territoriaux successifs et de cette agression insupportable et dangereuse qui fait peser de graves menaces sur toute une région ?
Cette invasion est le symptôme de notre monde : celui d’un désordre international violent et destructeur. Dans un capitalisme débridé et de concurrence sauvage, c’est l’issue belliqueuse et nationaliste qui prévaut sur tout. C’est d’ailleurs tout l’argumentaire cynique du dirigeant russe.
L’ONU devait se réunir jeudi soir, mais le G7 et l’Otan, organisation belliciste et obsolète, avaient déjà pris un train de sanctions contre Moscou, pourtant inefficaces depuis 2014. Pire, elles renforcent l’ultranationalisme de Poutine. Dans l’immédiat, c’est l’urgence humanitaire qui doit prévaloir. À ces milliers, peut-être ces millions d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes qui fuiront les bombardements, nous devons assistance. C’est là la première action européenne à porter.
Il faut ensuite retrouver immédiatement les voies du cessez-le-feu et du dialogue. La France doit porter cela au sein de l’ONU, en mettant tous les acteurs autour de la table. Un mouvement populaire doit se lever pour refuser la guerre totale et imposer la paix. Non pas comme un simple mot, mais comme un projet politique qui demande des efforts considérables de toutes parts pour en créer, par l’action politique et diplomatique, les conditions réelles. C’est à ce prix que nous arrêterons au plus vite cette guerre.
JANVIER 2022
» Tapie, une aventure française… », Chroniques du Grand Arrière (2) évoquée sur la clé des Ondes, lors de l’émission animée par Jean-Pierre LEFEVRE.
Par Jean-Michel DEVESA, écrivain, Chroniqueur, Professeur de Lettres,

Les morts, je les respecte. Et les vivants aussi, même quand ils sont des adversaires. Évidemment, il s’en trouve, des vivants, que j’aime plus que d’autres et il en est que j’abhorre en raison de leurs responsabilités ou de leur complicité dans l’exploitation de leurs contemporains et la dévastation de la planète. C’est humain, et je travaille beaucoup pour le devenir, humain, c’est-à-dire pour réduire le plus possible ce qui chez moi peut participer, malgré moi, de la reproduction des rapports de domination qui divisent les individus et en asservissent l’immense majorité. Mais les morts, je vous assure, je les respecte vraiment tous, même ceux qui, de leur vivant, ont été du camp des oppresseurs.
Cependant le trépas n’excuse rien ni ne sanctifie, enfin, selon moi, aussi s’incliner devant la mort n’a-t-il pas pour corollaire d’oublier les actes posés et les discours tenus par celles et ceux qui ne sont plus, notamment quand il s’agit de vilenies. Je crois simplement que se réjouir de la mort quand bien même serait-ce celle d’un odieux personnage n’est pas signe de beaucoup d’humanité.
Voilà pourquoi le décès de Bernard Tapie ne m’a pas rendu joyeux. En revanche, les louanges que lui ont décernées la presse et une grande partie de la classe politique m’ont horripilé, à commencer par la une de l’hebdomadaire Le Point titrant sans vergogne « Une aventure française, Bernard Tapie, 1943-2021 ».
M’a consterné le parfum nationaliste de la formule : d’abord, parce qu’à bien des égards il est désolant de constater que par exemple dans la sphère sportive, entendons dans la sphère du sport spectaculaire et commercial, celui où quelques « héros » du stade sont élevés au rang d’icônes et rétribués selon des montants que je peine à me représenter, l’amour du maillot est équivalent dans l’ordre du symbolique et du politique à celui du drapeau, cette passion française ou pas n’est pas de celles qui m’enthousiasment, au contraire, en gauchissant la pensée de Spinoza je la perçois comme une passion triste ; ensuite, parce que l’expression du Point relève non pas simplement d’une réécriture de l’histoire mais de son escamotage, occultant la réalité des pratiques littéralement antisociales du « chevalier d’industrie » Bernard Tapie, en l’occurrence un repreneur sans état d’âme comme toutes celles et tous ceux qui consentent à exercer cette fonction, je n’ose dire ce métier…
Vous avez compris que mon chagrin et ma compassion, à vrai dire : mon chagrin et ma solidarité, ne vont pas à Bernard Tapie mais aux ouvrières et aux ouvriers qu’il a licenciés. Ces travailleurs je les salue, les vivants et les morts, et les applaudis, et les congratule, en paraphrasant les mots clamés par Léo Ferré, ce libertaire qui dans sa chanson « Le Conditionnel de variétés » appelait à « acheter » et à « lire » La Cause du peuple, le journal de la Gauche prolétarienne, après son interdiction. Aussi, à vous qui vous en souvenez de ce chant et du combat mené par et autour de La Cause du peuple que je confonds fraternellement avec les autres courants de l’extrême-gauche, à commencer par les camarades du Service d’ordre de la Ligue Communiste dirigé par Michel Recanati et tous les « althussériens » encartés ou non au Parti communiste français ; et à vous qui les ignorez, cette chansonnette et ces batailles, en ces termes je m’adresse :
Je ne suis qu’un écrivain de Variétés et ne peux rien dire qui ne puisse être dit « de variétés » car on pourrait me reprocher de parler de choses qui ne me regardent pas.Comme si je vous disais qu’un Premier Ministre Britannique ou bien papou ou bien d’ailleurs pouvait être déclaré incompétent
Comme si je vous disais qu’un ministre de l’Intérieur d’une République lointaine ou plus présente pouvait être une canaille
Comme si je vous disais que les cadences chez Renault sont exténuantes
Comme si je vous disais que les cadences exténuent les ouvriers jamais les Présidents
Comme si je vous disais que l’humiliation devrait pourtant s’arrêter devant ces femmes des industries chimiques avec leurs doigts bouffés aux acides et leurs poumons en rade
Comme si je vous disais qu’à Tourcoing et plus généralement dans le textile en ce moment ça licencie facile
Comme si je vous disais de fermer vos télévisions ordinateurs et smartphones pour n’écouter que la radio La Clé des ondes,
Comme si je vous disais qu’un intellectuel peut descendre dans la rue et vendre le journal
Ainsi que l’ont notamment fait Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre et François Truffaut
Comme si je vous disais que ce journal est un journal qu’on aurait pu interdire
Comme si je vous disais que le pays qui s’en prend à la liberté de la presse est un pays au bord du gouffre
Comme si je vous disais que ce journal qui aurait pu être interdit par ce pays au bord du gouffre pourrait peut-être s’appeler la Cause du Peuple
Comme si je vous disais que le gouvernement intéressé par ce genre de presse d’opposition pourrait sans doute s’imaginer qu’il n’y a ni cause ni peuple
Comme si je vous disais que dans le cas bien improbable où l’on interdirait le journal la Cause du Peuple il faudrait l’acheter et le lire
Comme si je vous disais qu’il faudrait alors en parler à vos amis
Comme si je vous disais que les amis de vos amis peuvent faire des millions d’amis
Comme si je vous disais d’aller faire tous ensemble la révolution
Comme si je vous disais que la révolution c’est peut-être une variété de la politique
Et je ne vous dis rien qui ne puisse être dit de « variétés » moi qui ne suis qu’un écrivain de Variétés…
(les passages en italique reprennent à la lettre le texte de la chanson de Léo Ferré).
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OCTOBRE/NOVEMBRE 2021
» Il n’y a plus d’espace critique ! «
Par Line GILLON, syndicaliste CGT, Membre du CESER de la Région Nouvelle Aquitaine

« Le temps est venu d’un partage collectif des résonances de ces deux années. La transmission de notre perception de l’état de la société serait insuffisante si elle ne provoquait pas débats et controverses. » mots extraits d’un précédent éditorial, A Jeannel
Oui ! et Il y a même urgence à favoriser le débat contradictoire, à aborder la situation présente avec suffisamment de discernement au lieu et place du seul discours dominant qui produit simultanément, sur un registre binaire simpliste, « la Vérité » du discours officiel et dans le même temps la contre-vérité (associée à ignorance, mensonge, complot ..) de tout ce qui vient la contredire.
Le mouvement de protestation est d’emblée discrédité, par une certaine forme d’inclusion dans le discours officiel et/ou le discours relayé par les grandes chaines médiatiques.
Il n’y a plus d’espace critique !
Danger absolu. Si le modèle politique est de forme et d’apparence démocratique, son fonctionnement s’en éloigne de plus en plus.
S’il y a mensonges, d’où viennent-ils, qui servent-ils ?
S’il y a complot, quels en sont les enjeux et les instigateurs ?
Si le peuple est ignorant, c’est qu’on s’applique à le priver d’informations, à l’enfermer dans une peur vitale (la maladie et la mort) anesthésiante, aliénante.
Toute « ignorante » qu’elle puisse être, néanmoins, une frange de la population perçoit à la fois la gravité et la complexité de la situation en même temps que l’irresponsabilité collective et la supercherie de l’utilisation faite de ce problème sanitaire par le pouvoir en place. Camouflage de la crise structurelle pré existante et renforcement de la dictature du capital.
Non il y a mensonge – officiel – au moins sur deux points
– nous ne sommes pas en guerre,
– l’économie n’a pas été sacrifiée pour notre santé
Mais d’abord que savons-nous de ce virus ?
A travers quelques-unes des dispositions successives produites dans le cadre de l’État d’Urgence, on peut le profiler ainsi :
Le Covid est un être particulier ! Un patachon !! Un joyeux luron !
Pour lui pas de formule « métro – boulot – (conso) – dodo »
Non.
C’est un festif, un noctambule qui accapare les terrasses et les salles de restaurant (sauf restaurant d’entreprise…), squatte le moindre bistrot, s’éclate dans les festivals.
A noter il serait vraisemblablement athée.
Épris d’art, il occupe la moindre salle d’expo, ne devrait-il y avoir qu’un ou deux visiteurs pour la voir.
Théâtre, concert, ciné ! … c’est un être de culture. IL se propage et mute joyeusement dans toutes les salles petites ou grandes, France entière, variablement hors de nos frontières.
Les librairies en sont maintenant libérées ? Sans doute du fait qu’il a adopté la bibliothèque…
De même pour les équipements sportifs.
Ouf ! Il semblerait que les espaces extérieurs lui conviennent moins que l’été précédent où il était dangereux de poser sa serviette sur une plage et de se promener en pleine nature.
Pourvu que ça dure, d’autant qu’il faut déjà s’y rendre et là, pour son confort, le virus a confisqué les transports en commun grandes lignes …
Nous reste les transports urbains que manifestement, depuis le début, snobisme ?, il néglige (aurait-il un chauffeur en ville ?) et le TER (je n’ai pas encore cherché comment je peux arriver à Paris en enchainant des TER, mais pourquoi pas… je n’ai rien contre la lenteur, bien au contraire) ;
Patachon n’a rien à voir avec Pantoufle,
Si le Covid est patachon, alors sans PASSE, restez dans vos pantoufles.
Certes le ton est peut être léger pour un sujet grave, qu’il convient sans doute de ne pas mépriser dans aucun de ses aspects.
Justement, quel est le problème sanitaire réel auquel nous sommes mondialement confrontés : le comprendre pour savoir y faire face en terme de politique de santé publique !
Quelles sources fiables d’information ? quelles analyses contradictoires des éléments factuels, à ce stade de la recherche et au terme de plus de deux années d’expérience à grandeur mondiale, quels éléments de connaissance sont consolidés, quelles hypothèses encore à vérifier …
Délai d’incubation, Période et mode de contamination, symptômes et dangerosité…
Létalité réelle (s’agissant des suites de vaccin, on évoque l’assimilation abusive lien de concordance et causalité, ce travers peut aussi agir dans les déclarations de décès Covid)
Quels sont – monde entier – les décès imputables au Covid, quel profil de patient est le plus fragile… combien de passage en réanimation soldés par décès ou séquelles graves …
Actuellement quelles équipes de recherche sont impliquées et avec quel objet précis ?
Quelles données éventuellement disponibles, éventuellement controversées, quelle communication abordable (ce qui ne veut pas dire simpliste et caricaturale), intelligible.
Le commun des mortels « citoyen » n’est pas à priori un imbécile, mais il peut aisément y être réduit !
« Non, non non …. Nous on veut continuer à danser… » et à penser encore !
Ni lobotomisés, ni robotisés.
Il n’y a d’intelligence qu’humaine, mais encore faut-il lui permettre de s’exprimer.
Sortir de la pensée binaire, Réintroduire une approche de la complexité.
La pensée dialectique et philosophique initiée par Marx devrait y contribuer…
Line GILLON, Septembre 2021
SEPTEMBRE/OCTOBRE
« Pandémie entre urgence sanitaire et reconfiguration du travail: Où en sommes-nous ? » Par le Professeur Alain Jeannel mai 2021
Pandémie entre urgence sanitaire_AlainJeannel

« Non vraiment je reviens aux sentiments premiers
l’infaillible façon de tuer un homme
C’est de le payer pour être chômeur
Et puis c’est gai dans une ville, ça fait des morts qui marchent. »
Felix Leclerc, Les cent mille façons de tuer un homme ? Crise d’octobre 1970 au Québec
Nous aurons tous et toutes en mémoire le vécu de ces années 2020- 2021 marqué par le risque d’être une victime de l’épidémie venue de Chine et par « l’état d’urgence sanitaire » que décréta le Président de la République Française, décret du 17 octobre 2020 suivi de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire.
Le temps est venu d’un partage collectif des résonances de ces deux années. La transmission de notre perception de l’état de la société serait insuffisante si elle ne provoquait pas débats et controverses.
Des thèmes sont apparus comme utiles à la poursuite du partage d’une vie collective qui est le propre de la démocratie :
– La fragmentation effective de la population française en catégories.
– L’individualisation des intérêts privés par médias interposés suite à la fragmentation de la population
– La perte du sens de la collectivité et de la valeur travail.
– La valeur de la qualification comme droit au travail.
– La dynamisation de la production avec la technologie: la question de la valeur du travail.
– La proposition des acteurs de terrain de l’éducation et les orientations institutionnelles.
– L’éducation et le droit à « la qualification du travail », bases de la démocratie.
——–
La fragmentation effective de la population française en catégories.
Ce qui surprend en ce début d ‘année 2021, c’est la fragmentation de la population au nom de la sécurité sanitaire.
Il y a les commerçants qui ont des magasins essentiels et ceux dont le commerce ne serait pas essentiel.
Il y a les jeunes qui perturbent la vie des adultes. Mais à bien regarder les images qui en montrent des regroupements conviviaux et festifs, ces jeunes font partie de la population de 25 à 35 ans qui débutent dans la vie active et créent des espaces de parentèles avec enfants : ils tentent de rendre joyeux un présent aux lendemains incertains et ils deviennent la cible du gouvernement et d’une partie de la population.
Il y a des tranches d’âge qui ont droit à des traitements médicaux sans attendre et ceux dont les traitements sont reportés.
Il y a les étudiants interdits des espaces universitaires dans la grande précarité économique mais aussi dans la grande inquiétude quand leur formation n’a plus de repères à la différence des étudiants des grandes écoles.
Il y a dans les administrations de l’Etat un personnel qualifié par la reconnaissance de leur formation et les contractuels pour qui cette formation n’est pas exigée.
Il y a les ainés dans les EPHAD et le personnel soignant.
Il y a ceux qu’on applaudit et ceux que l’on subventionne.
Et ainsi de suite. ….des réactions s’enchainent :
Ces jeunes qui participent à des regroupements sont présentés comme des dangers pour leurs ainés. Ils focalisent sur eux un certain nombre de critiques émanant aussi bien de leurs pairs que de leurs ainés.
Tel professionnel qui dans le contexte local transgresse une règle qu’il trouve injustifiée devient de ce fait un opposant à ses confrères qui eux suivent les instructions.
La société est divisée en autant de catégories définies par le pouvoir comme des faits irréfutables donnant des droits et des servitudes : le droit à obtenir les subsides de la survie et le devoir de respecter toute une réglementation qui peu à peu s’inscrit dans la loi.
Ces règles sont décidées dans le secret du cabinet présidentiel, elles sont une réponse à la pandémie qui impose un état d’urgence décrété par le Président de la République et elles risquent de perdurer au delà de la crise par des décisions parlementaires.
Une contradiction apparaît, elle oppose l’aspect théorique de l’égalité des droits de l’Homme et du citoyen à la validité pratique de droits et devoirs que le gouvernement attribue aux citoyens suivant leurs caractéristiques personnelle, sociale et professionnelle.
En l’absence de tout débat sur leur bien fondé, ces mesures gouvernementales présentées comme transitoires risquent de s’inscrire durablement dans les mentalités et dans la production.
Ces prises de position, qui soutiennent telle catégorie professionnelle sans prise en compte de la collectivité, nient que l’ensemble des activités fait le ciment d’une société. Elles créent aussi une division de la société en catégories concurrentes suivant leurs droits et leurs obligations.
Cela n’annonce-t-il pas des affrontements au sein même de groupes sociaux dont les intérêts convergent et que les groupes d’influence transforment en adversaires ?
La discrimination générale en groupes différenciés auxquels une décision gouvernementale attribue d’autorité des droits ou des contraintes, est inscrite dans l’Histoire comme annonce soit d’un régime totalitaire qui s’appuie sur la division de la population, soit de guerres civiles entre fractions de la population.
L’individualisation des intérêts privés par médias interposés
suite à la fragmentation de la population.
Les médias se font l’écho de cet éclatement de la société en un grand nombre de groupes d’intérêt allant de la Société anonyme à la grande pauvreté. Eux-mêmes vivent l’éclatement de l’information par des horaires imposés par une succession d’informations brèves l’une chassant l’autre dans l’urgence de la dernière minute et le plus souvent sous contrôle et injonction.
Cet émiettement des informations alimente les angoisses d’une population qui est ballottée d’un côté puis d’un autre dans un spectacle médiatique qui n’a rien de culturel.
Il renforce l’atomisation de la population en s’adressant tantôt aux uns tantôt aux autres quand les décisions gouvernementales médiatisées détaillent les propositions à l’égard de telle ou telle profession, telle ou telle catégorie.
Cette première segmentation de la société est complétée par la procédure individuelle nécessaire à appliquer pour obtenir par exemple une subvention, chaque individu est le demandeur d’un avantage ou d’une mesure spécifique. Cette seconde segmentation oppose une procédure collective d’acquis à une performance individuelle pour obtenir un droit.
Cette double atomisation de la population en catégories et en procédures individuelles pourrait n’être qu’éphémère. Le sens du vivre ensemble, de la solidarité collective pourrait renaître une fois écartée la peur d’une crise majeure, comme une pandémie.
Les injonctions gouvernementales seraient alors oubliées et les contraintes donneraient lieu à des débats démocratiques.
La perte du sens de la collectivité et de la valeur travail.
Cette vision utopique se heurte aux constatations médicales portant sur les marques psychiques et psychologiques laissées par des contraintes vécues dans des situations de pression sociale, de peur et dans un contexte mortifère.
Dans le contexte de la pandémie, ces répercussions sont prises en compte dans un second temps.
Pour asseoir sa décision et l’imposer, le pouvoir politique a choisi de s’appuyer essentiellement sur 2 disciplines l’épidémiologie utilisée comme moyen d’information quotidien et la réanimation comme limite adaptative.
La psyché de chaque membre de la société devient porteuse de ces informations univoques proposées par le gouvernement et en accepte les conséquences dans un contexte de sidération proche d’un comportement de servitude volontaire.
En s’inscrivant dans les mentalités de chacun, les conséquences d’une telle politique imprègnent le sens que chacun donne à la vie collective et personnelle.
Si le questionnement de ce temps vécu et de l’identification des parties immergées des injonctions gouvernementales réclame pause réflexive et débats contradictoires, ce questionnement ne peut attendre pour l’éducation des enfants scolarisés à 3 ans et pour les adolescents qui ressentent consciemment et inconsciemment les effets de la crise sanitaire et de la gestion gouvernementale sur eux-mêmes et sur leur entourage.
Les psychologues et les psychiatres font progressivement part de la charge que font porter sur eux les décisions gouvernementales qui affectent profondément la vie des parents, des parentèles, des éducateurs, des enseignants soit tous ceux qui sont proches d’eux.
Quand la fragmentation de la population affecte l’enfant dés son plus jeune âge, il apparait nécessaire qu’il trouve des appuis dans sa proximité pour en assurer la résilience.
L’éducation nationale qui accueille les enfants à partir de 3 ans peut participer à cette résilience. Il faut alors qu’elle ait une certaine indépendance vis à vis des décideurs dont les injonctions paradoxales ont provoqué doute et angoisse.
Cette séquence de la vie des enfants et des adolescents renforce la nécessité de donner un temps à l’accueil tout au long de la scolarité comme le développent les publications sur le thème de « savoir accueillir ».
La prise en compte de la fragilité psychologique, psychique et comportementale créée par la crainte d’une contamination et les normes sociales imposées par la déclaration d’un état d’urgence sanitaire ne doit pas faire ignorer les effets que cette crise sanitaire et cet état d’urgence sanitaire provoquent sur la production nationale. Ainsi, les notions d’essentiel et de non essentiel, attribué à la valeur d’un travail dans la production collective ont deux effets. Elles nient le rapport relationnel de certains commerçants avec leur clientèle et favorisent le développement des plateformes de vente en ligne qui éliminent le rapport humain commerçant client. Elles créent une dissymétrie entre la production de la petite et moyenne entreprise et les groupes financiers internationaux gestionnaires de sous-traitance. Elles privilégient une production dépendante d’une technologie, le numérique et l’informatique, au dépends des rapports sociaux.
De même Les critères d’attribution de droits et de devoirs des sociétés anonymes ou des personnes physiques instaurent des modes de production dans les deux cas qui sont basés sur des démarches individuelles tributaires de la décision du pouvoir politique.
Dans les deux situations, la valeur du travail de la personne dans la production dépend de l’appréciation d’une décision gouvernementale et non de la qualification dont il est détenteur.
La valeur de la qualification comme droit au travail.
Le retrait du droit d’exercer une activité à quiconque par décision même rationnalisée du gouvernement revient à nier toute vie sociale au citoyen. Une contradiction existe entre le droit de participer à la production collective et son retrait par décision gouvernementale parce qu’elle considère qu’un citoyen n’est pas un acteur « essentiel » de la production collective.
Par ailleurs, quand pour compenser cette exclusion de la vie collective, le gouvernement propose d’avoir des « aides directes ou indirectes » prises sur les ressources de la collectivité par une demande individuelle, il substitue une attribution personnalisée à l’action collective de solidarité.
La question est bien celle que chacun soit reconnu comme un participant à part entière de la vie collective. Elle est que chaque citoyen ne soit pas dépendant d’une allocation qui le désolidarise du mode de production, elle est qu’il ne soit pas celui qui est à la disposition de celui qui le paie à ne rien faire pour être disponible pour toute éventualité. Un cinéaste documentaliste résumait l’enjeu de cette situation en citant un propriétaire viticole qui proposait un traitement social de ses employés correspondant à des vacuités saisonnières : « vous savez, je les loge, ils sont disponibles…il y a toujours un grenier à balayer… »
Quelle valeur dans la production était attribuée à la qualification professionnelle de ces vignerons ?
Une contradiction existe entre la reconnaissance que la collectivité attribue à chaque citoyen qui participe à l’appareil de production et l’attribution par un gouvernement ou par un employeur d’une aide pour qu’il cesse de participer à la production.
La substitution de la valeur du travail reconnue par la société par une attribution financière de survie pour cesser d’être cette valeur, a pour conséquence d’amener celui dont le travail a perdu toute valeur à se retirer dans son monde privé comme le décrivait en 1990 Olivier Schwartz dans Le monde privée des ouvriers, Hommes et Femmes du nord (PUF 1990).
L’aide apportée est le résultat d’une contractualisation entre un individu et une institution que mettent en évidence les démarches individuelles nécessaires à l’accès aux « aides directes ou indirectes » de l’Etat. Par cette décision, l’Etat d’urgence met en place un clivage entre la valeur du travail reconnue comme qualification donnant un droit et le contrat de travail défini par un employeur, personne morale ou personne physique, avec un employé. Dans les services et les agences de l’Etat, le recrutement de contractuels pour suppléer la faiblesse des recrutements basés sur la qualification en est un exemple que la situation d’urgence sanitaire a permis de développer.
Dans ce cadre, la valeur du travail défini comme qualifié par les organismes représentant le corps social concerné est à distinguer d’une compétence simplement reconnue par un employeur, personne physique ou morale, qui définit un contrat de travail. D’un côté, la qualification, soit la valeur reconnue du travail, donne un droit au travail, dans l’autre la compétence utile à l’employeur soumet la valeur travail non à la qualification mais à une adaptation à une demande sous la forme d’un contrat. Le choix d’une politique contractuelle s’oppose à celle qui considère la valeur de la qualification comme droit au travail.
Deux modèles de la conception de la valeur attribuée au travail dans la production, intellectuelle ou matérielle, existent.
Dans l’un, la qualification acquise avec les acteurs de la profession reconnaît que la valeur du travail est un droit au travail, elle est la reconnaissance du droit au travail relevant de la qualification concernée.
Dans l’autre, le contrat institue cette valeur non en fonction d’une qualification mais de compétences attendues par l’employeur, elle dépend de la décision de l’employeur.
Une politique, qui préconise une organisation contractuelle de la production, donne la priorité à l’employeur et à la notion de compétence propre à ses besoins.
La négation de la valeur du travail qualifié au profit d’un contrat correspondant aux compétences attendues par l’employeur ne risque-t-elle pas d’aboutir à la création de graves dérèglements dans la production collective?
L’Histoire nous apprend les conséquences d’une telle politique qui provoque l’abandon de qualifications qui feront par la suite défaut à la production collective.
Quand la valeur travail est obtenue par la reconnaissance de ses pairs, elle s’appuie sur une collectivité qualifiée par sa valeur dans le procès de la production collective.
Quand cette valeur est dépendante d’une personne juridique, physique ou morale, elle puise dans les termes du contrat son évaluation dépendant non de la qualification mais des compétences attendues par l’employeur.
Les choix idéologiques de l’employeur imposés dans un contrat ne risquent-t-ils pas d’agir sur la production en créant soit un état de servitude soit une dérive autoritaire qui modifie les modalités d’information et de consultation des instances représentatives des contractants et qui met en danger la production collective ?
La collectivité qui représente la qualification est un contre pouvoir qui a son éthique et sa déontologie, elle permet que la convention passée entre un employé et un employeur, personne physique ou morale, ne soit plus dissymétrique et que la controverse s’instaure non sur les compétences attendues mais sur l’apport des qualifications dans le procès de la production.
La dynamisation de la production avec la technologie :
la question de la valeur du travail.
Dans la confrontation entre ces deux modèles de reconnaissance de la valeur du travail, des théoriciens et des idéologues définissent des orientations qui servent à appuyer les décisions gouvernementales et excluent toute controverse et débat scientifique. Ces orientations depuis le 18ème siécle s’appuient sur l’introduction de plus en plus performante de la technologie à la base de la création par exemple de robots.
Or un robot est à la fois lui même l’objet d’une production mais aussi l’outil devenant effecteur d’une production.
En 2020-2021, le traitement de la crise par le gouvernement a accéléré un mouvement qui donne de plus en plus de place à la technologie numérique dans la production. Cette accélération se fait sous son double aspect.
Le développement de la technologie numérique dans les procédures de fabrication remplace le principe subjectif de l’activité humaine par le principe objectif d’une succession de procédures exécutées par une chaine de traitement informatique. Dans Le travail sans l’homme ? Pour une psychologie des milieux de travail et de vie (Editions, La découverte 1995), Yves Clot montre comment l’investissement subjectif qui imprègne toute forme de travail en détournant les règles formelles de la chaine de fabrication par l’informel en particulier par le langage et l’aptitude à résoudre la panne du système technologique, permet une régulation des rapports entre l’entrepreneur et les employés.
Cette subjectivité est créatrice de « la qualité au travail » possible médiation entre d’une part l’employeur et son projet d’améliorer la rentabilité de la production par des procédures technologiques et d’autre part les salariés qualifiés et leur vécu du travail : elle nécessite la reconnaissance de la nécessaire qualification du personnel dans le processus de la production. L’activité collective exprimée par les salariés qualifiés sur le processus de la production rend pérenne le fonctionnement de la chaine technologique en ayant une vue générale des procédures technologiques en cours. Elle utilise les ressources des informations recueillies sur la chaine pour permettre le meilleur rendement de la production. Ce travail collectif est le cœur de l’entreprise et non la technologie qu’il s’agisse de production matérielle ou intellectuelle. Quand la technologie supprime les liens relationnels entre la collectivité et la personne, l’individu s’isole progressivement, perd le sens de la collectivité et la reconnaissance de sa qualification : c’est le risque social et psychologique du télétravail promu par une partie des financiers, des entrepreneurs et le gouvernement.
La triangulation, valeur travail – technologie – choix entrepreneurial, ne se limite pas à la production de biens, elle concerne aussi la production intellectuelle dont l’Education Nationale est un des acteurs. Dans le cadre de l’Education Nationale, elle concerne à la fois l’organisation administrative et les pratiques scolaires.
La proposition des acteurs de terrain de l’éducation
et les orientations institutionnelles.
Le traitement gouvernemental de la crise sanitaire a accéléré le mouvement de l’emploi des technologies dans l’enseignement, il donne une priorité aux connaissances numérisées qu’il reconnaît utiles et à leur accès par l’informatique, tout en reconnaissant une place pour les échanges présentiels entre les différents acteurs.
Dans des espaces expérimentaux, enseignants, éducateurs, parents et parentèles ont étudié la place de la technologie en pédagogie et en didactique et les modes de fonctionnement nécessaires à son organisation au cours du siècle précédent.
Ils mettent en évidence la nécessité de préparer les enfants, les adolescents à comprendre la place de la technologie dans une organisation de l’enseignement et de la formation
Ce processus éducatif se fait conjointement à l’utilisation des objets produits pour et par cette technologie dans leur environnement. Parmi les pistes de travail proposées à la communauté éducative, trois retiennent l’attention quand le problème des rapports entre la technologie numérique et l’enseignement est posé.
La technologie est outil pour la transmission des savoirs, elle n’en est qu’une partie matérielle, elle nécessite un apprentissage de l’utilisation des machines mais aussi de leur fabrication comme partie des processus de production dans la société. La place de la technologie numérique nécessite donc une réflexion d’une part sur les processus sociaux de fabrication et d’utilisation et d’autre part sur l’éthique des procédures qui en permettent la réalisation et l’utilisation. Ces deux domaines font partie de l’éducation en associant transfert de connaissances et formation citoyenne.
Quand le monde de l’éducation et de la formation évite de construire avec les générations montantes dés le plus jeune âge une réflexion collective sur une conception de la production matérielle et sociale qu’introduit la technologie, il désolidarise cette population de l’ensemble de la société dont la technologie fait partie et il ne prépare pas l’élève à être un acteur de la décision dans le triptyque, valeur travail- technologie-choix entrepreneurial.
Cette approche pédagogique et didactique de la technologie numérique est une approche du procès de sa production et de ses usages sociaux.
Une approche technicienne prend en compte les éléments nécessaires à l’utilisation des machines numériques : la dactylographie bureautique en permet l’usage en lien direct avec l’écriture et la lecture et traite des rapports entre l’agilité manuelle et le cerveau, la connectique est la compréhension des procédés techniques qui permettent la sauvegarde du fonctionnement des outils, l’arborescence est la mise à l’œuvre des algorithmes et nécessite que l’utilisateur conserve tout au long de sa consultation son objectif et en comprenne les prérequis .
Cette approche technicienne ne saurait suffire en éducation, elle est de l’ordre de l’apprentissage ; dans la production, elle correspond à une adaptation à un poste de travail.
En éducation, il est nécessaire que les apprenants conduisent collectivement des études sur la valorisation des connaissances apportées par l’usage d’une technologie, sur les usages qu’elle induit et sur les processus sociologiques et éthiques mis en œuvre par les entrepreneurs pour que cette technologie soit produite sous forme de bien.
Cette activité éducative collective envisage que l’usage d’une technologie peut être une ressource pour les pratiques pédagogiques mais non une pédagogie en soi. Elle est une première approche didactique des sciences humaines et sociales en traitant des usages et des modes de production qui lient l’entrepreneur et l’usager.
L’éducation et le droit à « la qualification du travail », bases de la démocratie.
Quand la procédure de l’enseignement promeut le télé enseignement qui a fait ses preuves avec les cours par correspondance destinés aux enfants et aux adolescents contraints à l’isolement, elle crée une individualisation du rapport à une connaissance et isole les apprenants de leur collectivité générationnelle. Ce constat est fait pendant les périodes de confinement. Il montre la nécessité d’une réflexion sur la place de la technologie proposée par un gouvernement dans l’enseignement et l’éducation.
Dans la promotion du télé travail, la politique publique fragmente la société en catégories ayant des droits et des obligations différenciés suivant les caractéristiques des postes de travail. L’informatique sous son double aspect, collecte de données et distribution de l’information, est un outil au service de ce choix politique. En individualisant les comportements à la fois dans les pratiques scolaires et dans la production matérielle et intellectuelle, elle met à la marge la vie collective et la construction des savoirs communs pour instituer un seule connaissance, celle qui est détenue par les entrepreneurs de cette technologie et les décideurs qui la promeuvent.
Le citoyen qui a vécu ce temps de retrait de la vie collective sous la double contrainte de la peur d’une épidémie et d’une situation d’urgence sanitaire doit dépasser les comportements imposés par l’isolement. Cet isolement a rompu toute vie collective en la remplaçant par des échanges d’informations modélisés par une technologie. Pour dépasser ces comportements induits par l’épidémie et sa gestion gouvernementale, le citoyen doit faire l’effort de retrouver des comportements d’altérité et de vie collective à la fois dans les espaces privés, publics et de production.
Le retour à ces comportements est une nécessité pour que la démocratie puisse se développer par la reconnaissance de l’égalité des citoyens et de leur autonomie, par la pratique des échanges collectifs nécessaires pour que s’expriment les controverses, par le reconnaissance du droit au travail pour tous basée sur une qualification.
La réaction de cet ainé qui vécut plusieurs états dits d’urgence peut-elle être utile?
Il ne suffit pas d’être sage
Avec le jardinage.
Par modestie, faire le ménage,
Questionner couvre-feu et radotages,
Ne font que rage.
Ne plus supporter les dérapages,
Reconnaître les escamotages.
Refuser de devenir otage,
C’est le début de la Résistance
Professeur Alain Jeannel Mai 2021
JUIN/JUILLET 2021
« La Convention Citoyenne pour la climat : Une sacré expérience démocratique ! » par Jean-Claude MASSON

La Convention Citoyenne pour le Climat est à examiner comme faisant partie des prémices de ce que pourrait être une démocratie participative et pas seulement sous le seul angle d’une énième promesse non tenue. C’est ce que je vais essayer d’argumenter.
Dans un article de Marianne publié le 08/12/2020, le journaliste Sébastien Grob parle du risque de divorce entre les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). « Depuis des mois, le chef de l’État et le gouvernement multiplient les « jokers » pour s’éloigner des propositions citoyennes. Au risque d’un divorce entre les deux parties ? » et d’évoquer des sujets qui fâchent : la 5G, les aéroports, les billets de train, les véhicules lourds.
Le Président Macron n’est pas le premier à ne pas tenir ses engagements.
Oublier la convention citoyenne sur le climat et la mettre dans un tiroir c’est répéter la suite donnée par le congrès de 2007 au référendum de 2005.
Dans les deux cas la parole du peuple n’a pas été et n’est toujours pas entendue.
Cependant la pertinence des 149 propositions élaborées par les 150 citoyens d’une part, mais aussi, et peut être surtout, son organisation méritent l’attention des composantes progressistes du spectre politique français. Suggestion que valide sa transposition à minima (et encore) par les actuels locataires de l’Elysée et de Matignon.
La CCC s’est tenue entre octobre 2019 et juin 2020.
Pour arrêter le mouvement des gilets jaunes, le « grand débat » fut lancé par le Pdt Macron, puis un « vrai débat » fut organisé par les gilets jaunes.
Les prémices de la convention sont à chercher dans cette riposte populaire que fut le « vrai débat » et la qualité du travail qui y fut réalisé.
Par exemple Diego Chauvet dans un article de l’huma du 14 mars 2019 écrit : « En France, nombre d’observateurs ont noté qu’un thème particulier a émergé dans les préoccupations : la santé et l’accès aux soins. Ce thème ne figure pourtant pas parmi les thématiques retenues dans le grand débat. Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a été obligé de le reconnaître fin février. La difficulté d’accès aux soins sur certains territoires renforce le sentiment de relégation et de déclassement d’un nombre croissant de citoyens. »
Le Président Macron décida cette convention pour reprendre la main mais aussi, et ce n’est pas accessoire, pour court-circuiter les « corps constitués » dont le Conseil Économique Social Environnemental.
Pour calmer le jeu, il faut donner du grain à moudre disait un ancien secrétaire de Force Ouvrière.
Ce qu’il fit en s’engageant « à ce que ces propositions législatives et réglementaires soient soumises “sans filtre” soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe. »
Ce premier point est à la fois une promesse, laquelle n’engage que ceux qui y croit ( le congrès Versaillais de 2007 répudiant le référendum de 2005 est l’acmé de ces mensonges d’état), mais aussi une nécessité.
En effet : pourquoi les membres de la CCC travailleraient ils avec ardeur sans cet engagement ?
Ce qu’il fit encore en proposant un objectif clair, difficilement contestable car intégrant la justice sociale : « la CCCa pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale. »
Ce qu’il fit en proposant une représentativité sociale tout aussi difficilement contestable : « elle réunit cent cinquante personnes, toutes tirées au sort ; elle illustre la diversité de la société française. »
Enfin « il est demandé aux citoyens de s’informer, de débattre et de préparer des projets de loi sur l’ensemble des questions relatives aux moyens de lutter contre le changement climatique. Les séances plénières sont retransmises sur le site de la CCC. »
Ce point est très important. Les citoyens eurent plusieurs jours de formation intensive sur un sujet que nombre d’entre eux découvraient. Ils purent, à leur initiative , s’informer en rencontrant divers experts, associations …
Ce fut un véritable effort d’éducation, qualifiable de populaire eu égard à la diversité des membres de la CCC.
Un point sur lequel je souhaite insister est le tirage au sort des 150 membres ainsi que les critères de sélection qui furent retenus pour représenter la diversité sociale. Bien que la lecture en soit désagréable dans le cadre d’une simple lettre, j’ai jugé important de fournir quelques chiffres.[…]
L’Article complet est disponible à cette adresse, vous pouvez le télécharger :
convention citoyenne climat copie_1
Jean-Claude MASSON ancien directeur régional opérationnel sud ouest et ancien directeur de la stratégie financière et de la prospective de la caisse centrale des activités sociales des industries électriques et gazières
Site officiel de la Convention Citoyenne pour le Climat
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MAI/JUIN 2021
« Amnistie pour Sergio THORNAGI, Cesare BATTISTI,…. » par Dominique BELOUGNE, Mai 2021
Un ami de l’extrême Gauche Italienne des années 70 en Italie, nul n’est parfait, Sergio THORNAGI, 63 ans, bien connu des militants d’ATTAC33 et des Forums Sociaux Girondins que nous avons animés durant quelques années, vivant en France depuis 40 ans, vient d’être arrêté la semaine dernière par la police française avec six autres personnes ayant participé dans « les années de plomb » des années 70-80 en Italie au mouvement des Brigades Rouges, Lutta Continua, ou aux noyaux armés contre le pouvoir territorial. La justice devra prochainement se prononcer sur les procédures d’extradition présentées par Rome. Trois autres militants ont pris la fuite. Les faits reprochés sont graves mais Sergio comme Cesare BATTISTI, que nous avions accueilli à Bordeaux pour échanger sur cette période de l’histoire en Italie et sur l’engagement de l’écrivain, ont toujours nié les crimes de sang dont ils sont accusés. Ils sont toujours condamnés par contumace à perpétuité dans leur pays. Concernant Battisti arrété en Bolivie, il a toujours clamé son innocence, jusqu’à son incarcération en 2019 ( sans perspective de libération), à ORISTANO en Sardaigne*. Jusqu’alors la « doctrine Mitterrand » avait évité les extraditions en l’absence de dossiers fondés communiqués à la France sur les actes commis réellement par les accusés. Contrairement aux demandes de la Cour Européenne des droits de l’homme, les condamnés par contumace n’ont pas le droit, en Italie, à un nouveau procès. Certaines voix en Italie réclament désormais l’amnistie pour solder « les années de plomb ». Sans rien justifier, mais pour comprendre cette période, quarante ans après, la situation politique en Italie est totalement différente. Une partie de l’extrême gauche fit le choix de la lutte armée dans les années 1970, où la contestation sociale était forte, mais la situation politique bloquée, avec une Démocratie Chrétienne indéboulonnable et un PCI interdit par les Etats-Unis d’entrer au gouvernement. De plus une partie de l’appareil d’Etat se compromettait avec un terrorisme noir néo-faciste, bien plus meurtrier, avec des attentats qui firent des dizaines de morts. Malgré la soumission politicienne de Macron à Salvini & co, la justice française s’honorera de respecter la « doctrine Mitterrand » et par là d’œuvrer pour l’amnistie…. Un premier pas a été fait, puisque 7 personnes sur les huit incarcérées ont été relâchées… Le combat continue !
Sergio THORNAGI Photo AFP/Jean-Pierre Muller
*Cesare BATTISTI
Casa di reclusione Salvatore Soro
Su Pedriaxiu Massama
01970 ORISTANO Sardaigne Italie
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MARS/AVRIL 2021
« Doute, panique et suspicion », 1ère partie(Hier),
par Alain jeannel, Professeur Emèrite de Sciences de l’Education

Il existe des mots des expressions, des doutes mortifères qui, à des années de distance, viennent questionner l’époque où ils furent déjà prononcés : couvre-feu, autorisation de circuler, danger, confinement…. Ces mots renvoient à des situations précises, des vécus. Et il y a aussi des formules qui ressurgissent : un régime autoritaire dans les situations de crise n’est-il pas préférable à la démocratie ? Ne faut-il faire des catégories dans la population pour en protéger une ?….
Autant d’interrogations qui montrent un désarroi qui provoque une angoisse psychologique créée par des injonctions contradictoires. Un doute psychologique s’installe à la fois à l’égard des acteurs qui détiennent le pouvoir mais aussi à propos des actions à conduire individuellement ou collectivement. En se développant, il fait émerger des affirmations dont l’origine est l’absence de connaissances et de temps de réflexion : absence des connaissances qui donnent un sens à la situation vécue et impossibilité d’un temps de pause pour analyser la situation. Il se distingue du doute philosophique et scientifique basée sur des réflexions cognitives qui résultent de l’acquisition de connaissances et qui nécessitent le temps de vérifier les fondements de ce savoir.
Le doute psychologique est un état d’urgence, le doute philosophique et scientifique est le temps réflexif nécessaire à la compréhension des propositions spirituelles, philosophiques, politiques et scientifiques et à leur mise en débat.
Que se passe-t-il quand la population doute et subit les conséquences des décisions du pouvoir ?
L’article « La Fabrique du doute » met en perspective les enjeux, ignorés par la population, qui opposèrent des experts militaires et des idéologues politiques au cours de « la drôle de guerre » 1939-1940.
Il est possible, en refaisant une lecture des textes des historiens et de la littérature, de construire une interprétation qui échappa à une population jetée sur les routes de l’exode puis sur celle du retour dans un paysage le plus souvent dévasté. Cette population crut à une armistice avec un Régime contesté par le plus grand nombre, le régime nazi, elle accepta dans un premier temps la collaboration avec les vainqueurs avant de progressivement entrer en Résistance contre le Régime nazie. Elle ignorait les enjeux portés par les dirigeants reconnus comme élite, qui avaient conduit à la soumission aux occupants.
En 1939, l’historien Marc Ferro évoque deux postures distinctes: « Pour les uns l’ennemi principal, c’est l’Allemagne nazie et son allié le Fascisme Italien ; pour les autres, c’est l’Union Soviétique et son allié intérieur le Parti communiste ».
A cette époque, Philippe Pétain, Maréchal emblème de la victoire de 1918, livrait le fond de sa pensée à Baudouin (banquier, homme politique), secrétaire du Comité de guerre : « Je suis partisan de ne plus soutenir la lutte à outrance « contre l’occupant »… ».
Après être rentré au gouvernement le 17 mai 1940, il devint président du Conseil en remplacement de Paul Raynaud le 16 juin : un armistice avec l’envahisseur devint le but à atteindre.
Comment dans le secret des cabinets fut prise la décision d’abandonner comme ennemi principal « l’Allemagne nazie » pour se concentrer sur « l’Union Soviétique et son allié intérieur le Parti communiste» ?
Le 10 juin 1940, le gouvernement italien de Mussolini déclare la guerre à la France et à l’Angleterre, Malgré la déclaration de guerre de l’Italie, malgré la volonté de contre-offensive souhaitée par le Général Gamelin, Philippe Pétain qui avait toujours été sensible à « la carte italienne » décida un rapprochement avec l’Italie suivi de contacts avec Hitler conclure un armistice entre le Gouvernement français et Hitler.
La prise du pouvoir par les tenants de cet armistice avec le 3ème Reich concrétisée le 22 juin 1940 entraina la disparition de la troisième république remplacée par la constitution de l’Etat Français le 11 juillet 1940 dont les conséquences multiples et tragiques sont aujourd’hui reconnues.
Qu’en percevait la population française après 8 mois d’ordres et contre ordres qui jetèrent des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants sur les routes de l’exode puis sur les routes du retour pour trouver leurs hameaux, villages, villes en partie détruites ? Cette population avait-elle accès aux débats des experts militaires et politiques qui provoquèrent une telle déroute militaire concrétisée par 1.840.000 prisonniers français sans compter les tués en combattant (difficiles à établir environ 3.000 selon Michael Bourlet, historien) et les victimes civils ?
Si elle subissait les angoisses du doute confrontée à l’incertitude des décisions à prendre ainsi que les militaires de terrain, elle n’avait aucune possibilité de connaître les motifs du choix de l’armistice en dehors des discours officiels qui occultaient les processus de la décision dont un des choix politiques avait été énoncé dans le secret des cabinets par Philippe Pétain: l’idéologie politique choisie était exprimé par Philippe Pétain à propos du Président du Conseil Edouard Daladier dont il était le successeur : « C’est le grand coupable, c’est celui qui a créé le Front populaire. »
Le choix était clair, celui de s’opposer à toute tentative du retour de l’union qui créa le Front Populaire en 1936. Une fois cette question résolue, et la population soumise à une occupation par une armée et une police étrangère et parfois collaborationniste, le champ était libre pour que les projets d’une organisation économique soutenue par une idéologie politique progressent. Le « Colloque Walter Lippmann » à Paris en 1938 représentait un renouveau du libéralisme dans la vie politique et les pratiques étatiques connu aujourd’hui avec l’expression « néo libéralisme. Au côté du journaliste, écrivain, homme politique américain Walter Lippmann, le professeur de philosophie Jean Rougier ouvrit cette manifestation. Par la suite, Jean Rougier fit partie des proches du Philippe Pétain dans le gouvernement de Vichy, tenta d’accréditer la thèse de son double jeu, collaboration et résistance, et garda des contacts avec l’Angleterre proche de cette option du libéralisme. Un autre acteur lié à Walter Lippmann était Jean Monnet. Jean Monnet banquier français établi aux USA qui avait une grande expérience des relations à établir entre les Etats, y compris la Chine, et les banques. Après la défaite du 3ème Reich, Il participa avec Walter Lippmann à l’élaboration et la mise en place du Plan Marshall. Par la suite, les projets de cette nouvelle conception de l’économie permirent de créer des communautés économiques en Europe d’abord pour le Charbon et l’acier, CECA, puis pour l’ensemble de l’Europe, avec la Communauté économique Européenne, traité de Rome dont Jean Monnet, commissaire au plan, fut un des acteurs principaux.
La population embarquée, comme le décrit Jean Fourastié dans « Les trente glorieuses », ne comprit point le système économique et politique dans lequel il était entré sans avoir les connaissances nécessaires pour se poser des questions telles que : l’hôpital public et l’Education Nationale doivent être gérés avec des normes proches de celles des entreprises privées basées sur les performances financières, bases d’un système économique ?
Ce décalage entre les projets des élites au pouvoir et la population est décrit et analysé par la linguiste et écrivaine Sandra Lucbert dans « Personne ne sort les fusils ».
La question posée par ces relectures de moment de crises met en évidence l’importance d’une égalité de tous et toutes dans l’accès à la connaissance et du temps nécessaire à leurs acquisitions non simplement par la lecture des historiens, mais aussi par celle de oeuvres culturelles, littérature, Théâtre, production audiovisuelle. La lecture de « Le monde réel » de Louis Aragon donne chair et vie aux connaissances acquises avec les historiens de même que celle de Robert Merle «Week-end À Zuydcoote » et son adaptation cinématographique. Mais cela n’est pas suffisant s’il n’existe pas le temps de prendre une pause que développe Barbara Stiegler avec le terme générique « stase » et celui d’échanges verbaux, collectifs et présentiels.
Et puisque la scolarité commence à 3 ans ne serait-il pas nécessaire de débuter cette longue scolarité par des temps d’accueil des uns et des autres qui se prolongeront tout au long de la scolarité comme le proposent les articles et la conférence sur « la Langue » proposée par Espaces Marx Bordeaux https://youtu.be/pgfmC5ezJX4
Et puisqu’il faut envisager la rupture entre une élite qui s’est désignée pour exercer le pouvoir et une population qui crée les conditions de la vie collective et individuelle, ne serait-il pas temps de prendre conscience que partage du savoir et collectivité apportent plus à l’humanité que performance et individualité ?
Alain Jeannel, Mars 2021, la suite en Avril ou mai sur la situation actuelle….
Les citations à propos de Philippe Pétain sont extraites de Marc Ferro, Pétain, hachette, 1987
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Février 2021
« THÉÂTRE : quel avenir préparer pendant la crise sanitaire ? », Michel ALLEMANDOU, Metteur en scène de Théâtre,

Dans les années 20, Karl Valentin, avec le mordant de son habituelle ironie, suggérait de rendre le théâtre obligatoire afin de favoriser le retour du public vers les salles de spectacle. Pourquoi ce qui avait marché pour l’École ne fonctionnerait-il pas pour le théâtre ?
Nos autorités sont décidément bien insensibles à l’humour du comique munichois puisqu’elles ont décrété, depuis de longs mois, l’interdiction d’accéder aux théâtres !
Certes, chacun mesure que la vision que l’on peut en avoir de notre monde, ont été bouleversés par l’apparition de la Covid-19 depuis plus d’un an ; la maladie ne cesse de nous devancer et d’exiger de multiples adaptations individuelles et collectives. Conscients du caractère critique de la situation sanitaire, les théâtres, lors de la première vague française de la pandémie, avaient su établir et mettre en œuvre des protocoles sanitaires parmi les plus stricts qui ont soient ; ils avaient été acceptés par les publics qui étaient ainsi parvenus, sans prendre de risque sanitaire, à maintenir leur lien avec un art et un divertissement auxquels ils sont attachés.
Personne ne peut donc comprendre, le sort particulier réservé aujourd’hui aux théâtres et plus largement aux lieux de culture ; ils restent fermés pour motif sanitaire alors que lieux de culte, établissements scolaires, espaces de distribution de produits culturels,… restent simultanément ouverts et sans aucune limitation véritable du nombre de personnes présentes. Peut-être s’agit-il de tenter de définir de façon nouvelle la notion d’«exception culturelle » !
En tous les cas, il y a urgence à s’interroger sur le sens de la décision qui a été prise et de rechercher la Règle nouvelle qui se cacherait derrière cette Exception.
Gestes et discours
Indéniablement le gouvernement a pris au cours des derniers mois des mesures économiques en direction du secteur théâtral : année blanche, autorisation des répétitions, résidences, encouragement au report des représentations, dédommagement au titre du chômage partiel. Ne soyons pas égoïstes : ce n’est pas rien par rapport à d’autres domaines d’activité qui sont, d’ores et déjà, touchés par une misère extrême.
Pourtant comment dissimuler que derrière la mise en œuvre du fameux «quoi qu’il en coûte» et l’autocélébration permanente « de l’action formidable du gouvernement », la fermeture jusqu’à une date indéfinie de tous les théâtres constitue un désastre humain, social et artistique dont le Ministère de la culture et le gouvernement face à l’épreuve des faits ne semblent pas prendre la juste mesure.
Au plan humain tout d’abord, imagine-t-on vraiment la souffrance, la solitude et l’humiliation des artistes contraints à un cruel « stop and go » permanent : on les invite à répéter dans la perspective d’une réouverture des théâtres, ils se mettent au travail dans celle de la représentation et au dernier moment terrassée par la Covid-19, la France est confinée, le couvre-feu instauré, les théâtres à nouveau à l’arrêt… C’est un présent bien mortifère qu’ils vivent. Le cœur toujours optimiste, ils n’hésitent pas à «enfourcher le tigre» en imaginant dans l’urgence des projets novateurs en vidéo, alors qu’expérience et raison leur ont appris que le théâtre était l’art privilégié de la rencontre physique avec cet être vivant qu’est le public.
Au plan social ensuite, on constate que le système d’aides de crise mis en place est profondément inégalitaire : dans le cadre du plan de relance de la culture de septembre 2020, l’ensemble des compagnies «non conventionnées» (qui emploient la majorité de ceux qui œuvrent dans le spectacle vivant) n’ont eu pour tout soutien que dix millions d’euros à se partager avec les lieux du théâtre privé, une somme à comparer aux plusieurs centaines de millions consacrés aux institutions qui «font rayonner la France». Les observateurs l’ont noté, relances et soutiens sont concentrés sur les « premiers de cordée». Les plus faibles, les plus fragiles, ont continué à se fragiliser et à s’affaiblir. Cette politique qui accorde une prime à la notabilité n’est en fait que l’aggravation de celle qui se mène depuis plusieurs années déjà. L’immense majorité des compagnies a vu au fil des semaines, leurs possibilités de jouer et de montrer leur travail se réduire. Les mesures décidées ne concourent pas à préparer la reprise ; celle-ci se présente comme un épouvantable casse-tête pour les théâtres et n’offre pour beaucoup, du fait de l’empilement des reports, aucune perspective réelle de création et de diffusion future.
Enfin comment ne pas évoquer le sort particulièrement désastreux réservé au théâtre amateur qui dépend très souvent pour se développer des salles mises à disposition des associations par les collectivités et qui sont, elles-aussi fermées pour motif sanitaire. « Tout art mérite que l’on s’exerce » écrivait Heiner Müller et toute pratique est désormais prohibée. On en parle peu et c’est pourtant très révélateur de la place qu’accordent nos gouvernants au théâtre au sein de la Cité.
La crise sanitaire comme élément de régulation d’un système dont certains ne voudraient plus ?
La politique de soutien actuelle ne corrige pas la mise en concurrence de tous, la baisse continue de moyens de certains et le subventionnement toujours accru des autres. On peut se demander si elle n’est pas au service de la «rationalisation» d’un secteur qui aurait connu aux yeux de certains, une expansion excessive (discours connu : «trop de propositions, trop d’artistes»,…). Autre effet pervers, elle accentue la relation de dépendance vis-à-vis des tutelles ou des lieux d’accueil des compagnies qui au demeurant eux-aussi n’en peuvent plus.
La pandémie au lieu de permettre d’imaginer a minima le monde d’après, ne servirait-elle pas de levier pour aggraver le monde d’avant ? Depuis le mois de mars 2020, des milliers de salariés du spectacle vivant soumis à l’intermittence de l’emploi n’ont pu travailler. Avec ce chômage de masse, c’est aussi l’effondrement des systèmes de solidarité professionnelle et la paupérisation qui menacent. La crise sanitaire aggrave encore une précarité déjà trop présente dans le monde du théâtre et de la culture. On laisse se détricoter les réseaux de solidarité, le droit du travail, la protection sociale et, chemin faisant, on se débarrasse d’une bonne partie des intermittents dont le régime apparait à certains et depuis bien longtemps, si néfaste à la «fluidification du marché du travail».
Le monde d’après du théâtre se résumera-t-il finalement à la disparition d’un nombre incalculable d’acteurs, de techniciens, de créateurs, de lieux et de compagnies ?
Avec la fermeture des théâtres la crise sanitaire devient une crise citoyenne
Lorsque le 12 mars 2020 Emmanuel Macron déclarait : « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour… La santé… notre État-providence ne sont pas des coûts… mais des biens précieux », on regrettait seulement que dans l’enthousiasme du moment, il omette de faire mention de la culture et du théâtre !
Personne n’était dupe ; les choix assumés, stérilisants voire destructeurs qui ont été faits depuis avec la fermeture des théâtres, l’ont confirmé ; ils révèlent une incompréhension de la fonction essentielle du théâtre : né avec la démocratie, il en constitue une des plus éminentes garanties. Le théâtre n’est pas un bien marchand qui n’entrerait pas dans la catégorie des produits «non essentiels ». Le théâtre n’est pas que divertissement. Il ne peut être réduit à une fonction de variable d’ajustement à la politique sanitaire.
C’est bien précisément parce que la circulation du virus et de ses «variants» est là, que beaucoup de nos concitoyens meurent, souffrent et sont mortellement effrayés, qu’il faut avoir le courage politique de rouvrir, au plus vite, les théâtres dans le cadre de protocoles sanitaires réalistes et adaptés. Il importe de donner aux artistes une visibilité sur l’avenir et une place dans le futur, de promouvoir un véritable plan de relance du théâtre. Nous avons besoin du théâtre pour comprendre la dimension des tragédies humaines qui sont en train d’advenir. Il y a urgence à sortir des positions de repli et d’isolement qui altèrent les rapports sociaux et diminuent l’humain dans l’être, voire le dégrade dans son bien-être mental.
Il est indispensable que le théâtre dans une perspective d’éducation populaire puisse à nouveau remplir son indispensable mission : réunir, raconter, questionner, bouleverser, alléger, réparer,… Le public réclame lui-même à retrouver le chemin des théâtres las d’être empêché de partager, de s’exprimer, de se rencontrer, de s’émouvoir, de s’interroger, de contester aussi…
Ariane Mnouchkine disait, il y a quelques semaines « Quand je vous parle de la société, je vous parle de théâtre ! « . Très immodestement, on serait tenté d’ajouter « Et inversement ! ».
Michel Allemandou, le 10 février 2021
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Janvier 2021
ALORS… ON FAIT AVANCER ! Par Raymond LAGARDERE (Ecocommuniste avant l’heure!)

Extrait de Sous les grands pins – Mon passé, mes espoirs
Complément ajouté dans la réédition de 2011, page 143 et suivantes :
En juillet 2004, j’ai raconté un parcours, au cœur de l’exploitation de résine des pins maritimes de Gascogne. Le but était de mémoriser la lutte des résiniers autant sur le champ social que sur des propositions économiques. Durant des décennies, j’ai assumé des responsabilités premières dans leur organisation CGT, à structure régionale. Depuis 1990, fin programmée, sûrement depuis longtemps, de la production de résine, sa reprise revient cycliquement d’actualité, de source sérieuse, certes, mais limitée.
Dans cette mouvance, mon ami Claude Courau, ancien de la profession, que l’irrégularité des rémunérations avait chassé, et parvenu à la retraite, a cherché et découvert un système pour produire différemment. Ce système, novateur, permet l’écoulement du produit, en vase clos, donc à l’abri de l’air et de l’eau. Incontestablement, le procédé valorise considérablement la qualité de la résine, par rapport aux systèmes antérieurs. Des pays étrangers s’y sont intéressés. Par exemple, la Finlande avait invité Claude à venir présenter sa découverte. Notre presse régionale en avait parlé. Ce projet n’a pas eu de suite. Avec Claude Courau, nous expliquons, devant des auditoires de compositions diverses, que la résine n’est pas un produit obsolète, contrairement à ce qui a été colporté ces dernières dizaines d’années. Globalement, la résine est particulièrement riche par ses composantes. D’innombrables parties sont industriellement recherchées et utilisées. Des spécialistes affirment même qu’elles sont irremplaçables dans plusieurs fabrications. […]
Courte vue
Chaque fois que l’on parle de remettre en route la résine, le public exprime son accord. Il y a tout de même des résistances, des oppositions qui pour le moment s’imposent. Ce sont sûrement et essentiellement les groupes industriels qui ne se soucient que de rentabilité. Le problème c’est que ces « puissants » sont écoutés par les politiques placés aux commandes du pays, et qui ne sont guidés que par le marché. De ces politiques à courte vue, j’en garde le souvenir.
Dans les années de 1965 à 1970, le réseau gascon des chemins de fer économiques a été détruit. C’était un réseau structuré remarquablement, desservant intelligemment le massif forestier. Créé vers 1860 pour l’essentiel et en 1906 pour le tronçon Luxey-Mont-de-Marsan. Tous les produits forestiers allant dans les ports ou les industries transitaient par là. S’y ajoutait le trafic voyageur. Au lieu de moderniser par l’investissement, les politiques et le préfet ont cédé aux pressions, et démoli réseau et personnel. Imagine-t-on aujourd’hui le soulagement routier si ce réseau existait encore, et bien sûr modernisé. Là aussi, ceux qui s’opposèrent, la CGT en particulier, furent qualifiés de passéistes. Dans les mauvais coups, il y a toujours un problème de rentabilité. L’intérêt général, le côté humain, ne comptent pas, ou peu.
Des propositions
Cela me fait revenir à la résine. Dans le débat, ou les débats en cours, il est, je pense, judicieux et peut-être obligé de jeter en avant des idées toutes simples, pour que se déroule la démarche de réactualisation de cette branche économique. […] Sur cette lancée, ce n’est pas seulement l’activité sur la résine qui est en jeu. Elle ne constitue qu’une petite partie de la question forestière en Aquitaine, et au-delà. Il y a une publicité qui affirme, parlant du cochon, « dans le cochon, tout est bon ». Eh bien, il faut savoir qu’il en est de même dans notre pin maritime. Quand on l’exploite, il ne devrait pratiquement rien rester sur le chantier. Mais à l’image de ce qui se pratique couramment, n’est exploité que ce qui est rentable sur le marché. Ainsi, pour le pin maritime, le principal se passe autour du sciage et de la papeterie. Le reste est soit à l’abandon, ou en difficulté, considéré comme non rentable. Pourtant, grâce aux recherches, on sait depuis des dizaines d’années fabriquer des produits utiles au quotidien.
Finalement, cette façon de gérer est nuisible. Les bois non utilisés, laissés sur les coupes, sont préjudiciables à la bonne santé de la forêt. A ce sujet, les chercheurs pourraient s’exprimer, car la santé forestière est à l’ordre du jour. Par les tempêtes successives, la nature nous le rappelle. Une question survient : les méthodes culturales d’aujourd’hui ne fragilisent-elles pas nos forêts ? Les ravages provoqués par la chenille processionnaire sont extraordinaires, et les scolytes en plus. Certes, les actions de prévention n’ont pas été à la hauteur, avec l’excuse que c’est coûteux. Appel est fait à des interventions de la collectivité nationale, bien qu’il s’agisse majoritairement de propriétés privées. Il ne s’agit pas pourtant de rejeter le soutien public, car la forêt conditionne toute vie possible sur notre planète. Les forêts sont nos poumons.
Une aide sélective serait juste, car pour le moment le plus grand nombre de propriétaires s’interroge. Pour bénéficier des aides, il faut de la surface. Considérant le petit nombre de possédants, 10%, disposant de 60% du massif, on comprend vite qui influence les décisions dans la filière bois. Il faut savoir aussi que la Caisse des dépôts et consignations a créé plusieurs sociétés forestières et que nombre de compagnies d’assurances ont pas mal de surfaces. Sur un siècle, la propriété s’est donc transformée. L’exploitation, avec les progrès mécaniques, a évolué, et les travaux de régénération également. De mon point de vue, on peut se poser la question s’il est judicieux de toujours opter pour l’utilisation d’engins de plus en plus lourds pour les travaux forestiers, cela au titre de la performance. Un matériel plus léger ne serait-il pas davantage approprié, parce que moins agressif pour l’environnement ? […] Dans l’évolution, il faut remarquer la recherche acharnée de réduire le cycle d’exploitation. Toute la recherche est fixée là-dessus. Le pin ce n’est pas du maïs, mais on nous explique qu’il faut rechercher la rentabilité. Cela ne me paraît pas être le bon chemin, notamment pour la qualité des produits. Concernant la qualité, des têtes pensantes ont inventé, il y a peu, le document dit de « certification ». Je ne vois pas encore ce que ça change. A l’évidence, sous nos yeux, tout se transforme.
La génération me précédant, c’étaient les bergers, puis les résiniers, les métayers, les bûcherons et scieurs, maintenant il n’y a plus que des « motorisés ». Avec les métayers et petits propriétaires existaient des îlots agricoles. Il est même sûr que les surfaces cultivées étaient supérieures à celles de maintenant.
Evidemment, on ne va pas revenir à cela. Mais je ne crois pas erroné et injuste de penser que les grandes surfaces agricoles d’aujourd’hui sont agressives pour la vie du massif forestier. A l’époque de leur création, pour s’inscrire intelligemment dans la protection de la forêt contre les incendies, il aurait été mieux d’opter pour des structures de taille familiale et disposées différemment. C’est ce que proposaient à l’époque la Fédération des métayers-gemmeurs CGT et aussi la Caisse de prévoyance des Landes de Gascogne.
Faire ou ne pas faire
Les tempêtes successives font ressurgir une question qui a marqué la vie en Gascogne : faut-il refaire, ou ne pas refaire notre massif forestier ? Ça et là on se bouscule pour le photo-voltaïque, c’est peut-être juteux. Ailleurs, on se demande si on va remettre du pin ou autre chose. Les anciens en ont tenté, des expériences : l’eucalyptus, le bambou, le tabac, la vigne, l’arachide, j’en passe.
C’est le pin maritime qui s’est imposé. Naturellement, dans le chantier de la reconstruction, il ne faut pas faire n’importe quoi. Pour chaque nature de terrain, il faut déterminer quelle essence est la plus adaptée. Nous avons des terres pour pas mal d’essences, les chênes bien sûr, les robiniers, les châtaigniers, les bois blancs, etc. J’ajoute, baser la recherche exclusivement sur le critère de la rentabilité me semble hasardeux. Sans doute que, par l’obligation d’accélérer la pousse par divers traitements, on peut nuire à la nature et par répercussion aux humains. Un massif forestier tient un rôle extraordinaire dans la vie de la planète, raison majeure pour le respecter et rester sérieux, et notamment proscrire l’utilisation de défoliants.
Une politique forestière novatrice
C’est dire l’importance de proclamer haut et fort que nous avons besoin d’une grande politique forestière, construite pour les humains. J’en viens à poser cette question fondamentale, et je ne suis pas le seul : « La France a-t-elle une politique forestière ? » Jusqu’à présent, chaque dizaine d’années, le gouvernement en place sollicite un rapport public, et saisit parfois le conseil économique et social. Sous des gouvernements différents, je me souviens des rapports de Jouvenel, Proriol, Bétolaud, Duroure, Bianco. Il y en a eu d’autres. Ceux que je connais avaient un point commun : chacun affirmait que l’on pouvait créer cent mille emplois dans la filière bois. C’est bien le contraire qui se produit. Autrement dit, du discours à la réalité, il y a un océan. Le besoin d’une politique forestière doit être abordé différemment. Il faut opter pour la voie démocratique et sortir des cloisons étanches. En vérité, il s’agit de pratiquer le débat national. Obtenir que tout le monde réfléchisse à ce qui est attendu de l’existence des forêts, de leur rôle dans et pour une société organisée. C’est une vaste ambition. Il faut la tenter puisque tous et chacun sommes concernés. On sait par avance que les idées ne manquent pas. Evidemment, il existe des antagonismes partant de situations sociales différentes et en opposition. Il faut faire accepter le débat démocratique justement parce que les intérêts en jeu ne sont pas identiques. Tout le monde sait que le propriétaire forestier attend des revenus, que l’industriel veut des matières premières à moindre coût, que le travailleur veut recevoir de quoi vivre décemment, que le chasseur veut pouvoir traquer son gibier sans difficultés, que le chercheur de champignons veut se rendre là où ils poussent, que le randonneur tient à circuler à son aise. Mais tous ont besoin de la forêt pour vivre, respirer. C’est donc bien à l’écoute de tous et par des échanges que pourra se construire notre politique forestière novatrice. Le résultat, obtenu avec les intéressés, ne sera pas arbitraire mais simplement démocratique.
Parvenu au terme de ce complément, estimé nécessaire au récit publié en 2004 et faisant l’objet de cette réédition, je me dois d’écrire que j’ai pensé laisser tomber le chantier en janvier 2010 lors du décès de mon épouse, après soixante et une années de parcours commun. Mais, dans ma tête, je revoyais cette foule de gens accompagnant ma défunte et la famille. La foule des grands convois funèbres pour un village comme le mien. Toutes les familles représentées, et d’autres en dehors de nos murs. Je revoyais les syndicalistes de la CGT, les politiques, les mutualistes, les structures forestières, les élus, venir nous témoigner leur sympathie solidaire. Dans nos activités, nous nous étions côtoyés ou affrontés et nous avions souvent lutté ensemble. Ce regard porté sur un pareil événement m’a réveillé dans ma peine, et incité à reprendre la réflexion et le stylo. Alors, je me suis remis à la mémoire et à tracer des perspectives qui, de mon point de vue, sont indispensables et à la portée des gens si peu qu’ils s’en occupent. La richesse existe, mais outrageusement accaparée par une caste. Pour tous les autres, restent les miettes, la précarité et les soucis de toute nature. M’inspirant du vécu et des pas en avant franchis par la lutte, je crois raisonnablement que l’on peut, que l’on doit, construire une société nouvelle digne d’un pays comme la France, riche de son histoire.
Naturellement, ce chemin appelle, exige que les citoyennes, les citoyens décident, comme l’on dit « de mettre la main à la pâte ».
Raymond LAGARDERE. Avril 2011.
Décembre 2020
